vendredi 17 juin 2011

16 juin - La maladie

La maladie. Peut-être que je veux trop croire que j’ai un lien avec lui. Pourtant, je dis toujours que j’y sucerais jamais le bat pour rien au monde. Mais le monde ne semble pas comprendre quand il parle. Ils disent : « Jean, reste avec nous » alors qu’il ne part pas. Pas pour moi. Ils disent : « Faut qu’il arrête la drogue ». Ça, je ne sais pas, je commence à avoir des doutes; mais pas concernant cette dernière entrevue. C’est juste trop facile comme excuse.

La maladie. J’ai envie de leur dire : « C’est parce que vous êtes habitués aux émissaires ennuyeux de ce monde qui parlent de leurs chalets que ça vous surprend quelqu’un qui lâche un petit « oups » en ondes. Si vous étiez moins pognés dans le cul, personne ne serait étonné. Et puis, ça fait pas 20 ans que vous le traitez de fucké? Rien de nouveau sous le soleil, La mauvaise foi toujours pareille. Alors pourquoi tant d’étonnement? »

La maladie. Je rêve à lui. Que je suis un groupie dans sa cour, que je le coache dans sa carrière, que je suis son confident dans son appartement. À chaque fois, je m’accorde toujours une place relativement intime avec lui. Pourquoi? Est-ce parce que je veux croire que nous sommes pareils? Ciel, non. Parce qu’il laisse une image de gars approchable? En dépit de ce que diront les journalistes constipés, probablement, oui. Il n’y a rien de compliqué, quand tu sais comment l’aborder. Pourtant je ne l’ai jamais fait. Mais je sais que ce doit être facile.

La maladie. Peut-être t’a-t-elle invité chez elle trop longtemps. Elle te fait dire aux gens qui passent par là : « Qu’est-ce que t’as dans ton sac? Un kodak? Viens, viens t’asseoir, on va jaser. Prends don’ un verre de vin a’ec nous. » Tu changes de sujet vite, ils disent. Mais ils ne comprennent pas que tu es une question en arrière, et une en avance, toujours. Tu dis toi-même qu’on t’as diagno-mastiqué d’un déficit d’attention. Mais quand c’est plate, mets pas ça sur le dos de la maladie. J’apprécie ce que tu fais, ce que tu es, mais assume ta part des responsabilités aussi.

La maladie. Elle me fait croire que moi seul pourrait te poser les bonnes questions. Elle me fait rêver d’une complicité qui n’existera probablement jamais. Ma folie, elle n’est peut-être pas très loin de la tienne, côté généalogie. Elle me gruge de l’intérieur, quand on ne te parle pas de ce qui t’intéresse, ce qui ferait ressortir le vrai toi.

La maladie nous pompe le gland et ne recrache rien. Elle titille, ment, prend le blâme, agit aux mauvais moments, déconcentre, donne un sens. T’as eu le dos large, essuyé plusieurs défaites, remportant les paris tout autant de fois. Tu semble fatigué, et t’as peut-être voulu laisser la place à des plus jeunes en qui t’avais confiance. Ils comprennent peut-être ton trip, à force de vivre avec toi, mais ils n’ont pas ta fougue et ne retombent pas sur leurs pattes comme le chat de ruelle que tu es. Des assassins, ça attaque. Montre leur comment attaquer.

La maladie, ils ne l’ont pas, je crois. Est-ce la raison de leur timidité? Je vous vois, dans les diligences du désert du Moyen-Orient; toi, muet, aiguisant tes couteaux sous un large chapeau, Mathieu, solide comme le fer, planté comme un piquet et l’œil mauvais, et Virginia, la veuve femme fatale et orpheline, préparant sa fiole de poison mortel. Un trio qui a souvent souffert, des vies aux opposés qui se rejoignent pour donner la mort au vieux rock des plaines ancestrales. Le Rock Assassin sera le nouvel Eldorado de l’ouïe, le nirvana de la riff.

La maladie, il faut la propager. Que les gens ouvrent les yeux à leur malheur, qu’ils arrêtent de s’étonner au moindre discours légèrement différent de celui qu’on leur gave, jour après jour.

La mad-lady. Est-ce que c’est de rester enfant, même à 50 ans? Ça semble déranger le petit pseudo bourgeois quand on ne lit pas les nouvelles, matin et soir, quand on ne connait pas la date précise de décès d’une personne qui nous était cher. Si ce genre de détail devait graver notre esprit à jamais, nos chambres ne seraient pas couvertes de posters d’artistes, mais plutôt de chroniques nécrologiques.

La maladie. Elle s’attaque de manière cruelle à des gens perdus, désespérés. Un gars les a menacés, ils étaient en danger, et se sont réfugiés à Québec, le temps qu’il se calme. Un gars m’a raconté ça dans un bar, environ une semaine avant que l’émission passe. S’ils ne veulent pas le dire, et finir en foire à potin, c’est leur choix. Mais personne n’a porté attention à ce détail, préférant pointer du doigt sa lacune quant à l’actualité. Les gens sont hypocrites, achètent un billet, boude un spectacle, achète l’album, le traite de génie, vont voir un show et parlent sans arrêt, trouvant trop bizarre un gars qui commence la prestation en clamant haut et fort : « Je sais pas comment ça a commencé, mais j’me suis dit… ÇA M’TENTE PAS DE TRAVAILLER! YÉÉÉÉ! » Puis, ils sortent de la salle, se vantant ici et là de l’avoir vu, avant de le descendre au moindre faux pas.

La maladie. Elle m’a permise de ne jamais le considérer comme un génie, plutôt comme un voyageur à l’esprit ouvert, au grand cœur, et sans aucune retenue. Alors qu’il fasse le bouffon, comme à l’ADISQ, ou qu’il donne un concert mémorable rempli de moments parfaits, jamais mon estime pour lui ne le met sur un piédestal trop élevé ou trop bas. Je respecte ou suis déçu, mais le traîner dans la boue comme je l’ai remarqué trop souvent reste du domaine de la cour d’école primaire.

La maladie. Quand tout peut basculer du superbe au misérable, au travail comme dans la tête, dans les yeux des partisans comme chez les haineux permanents. La vie a ses hauts et ses bas, personne n’y fait exception. Personne n’est forcé d’en faire tout un plat non plus. C’est bien facile de potiner sur un détail quand on ne connait pas le contexte.

« Les gens en général sont revendicateurs, orgueilleux, et mesquins, sans imagination et sont tristes. » - Massoud Al’Rachid

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«En 70, à Alger, il y avait des mendiants avec les jambes coupées, et pas de chaise roulante. » Les horreurs qu'il a vu, il ne les a pas pleurer, il les a chantées pour vous faire sauter et réfléchir un peu. J'ai envie de vous dire: qu'avez-vous vécu, vous? Pas grand chose. Mais d'un côté comme de l'autre, personne ne doit juger. Voir et constater suffisent. On ne peut pas reprocher aux gens de ne pas avoir vécu la torture. Chacun son parcours. Peu de gens peuvent décider ou non de travailler. Lui l'a fait, et plusieurs le considère en sauveur. Nous sommes nos propres sauveurs. Ça n'avance personne de mettre ses responsabilités sur le dos d'un autre que soi.


1 commentaire:

  1. wow! J'aime j'aime j'aime! (oui encore un commentaire insignifiant.) J'aime ta façon de le voir. J'aime ta façon de le décrire et de vous rapprocher tous les deux. J'aime ça parce que tu le descend pas et le traite pas de géni non plus. J'aime ça parce que t'es presque impartial sans l'être. I don't know.

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