samedi 15 mai 2010

100e - Julie (28 juillet 2010)


Introduction aux lecteurs:

Plutôt que de reprendre là où je nous avais laissés (Julie était sur le point de partir en voyage), j’ai pris en compte le temps qui a passé depuis. Donc, nous sommes présentement (environ) 45 semaines plus tard.

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PATCHWORK #6: Julie

Musique utilisée : album Time Out, du Dave Brubeck Quartet; Like Someone in Love, de Björk; Hot Like Fire, XX; Sea of Love, et What Would The Community Think, de Cat Power; Stumbeline, de Smashing Pumpkins; After the Rain, de John Coltrane.

"C’est décidé, je retourne aux études. Il faut que je cesse de fuir ce qui est inévitable." C’est ce que se dit Julie, le derrière bien enfoncé dans son petit matelas d’appartement miteux, à plus de dix kilomètres de la plage grise. Ce qui devait d’abord être des vacances s’est avéré en année sabbatique, loin, très loin de son quartier lugubre et ennuyeux de banlieue de la rive sud. Elle repense à son ancienne vie et constate qu’une femme de 26 ans, simple employée d’un café restaurant et encore célibataire, ce n'est décidément pas ce qu'elle souhaite. Dans cet appartement où elle se dégrade de jour en jour depuis bientôt quatre mois, après un bon moment d'adaptation, Julie décide qu'il est temps de reprendre ses études et sa vie en main.

Son billet d'avion en poche, le cœur brisé de voir son rêve d'autrefois être réduit à néant, et une légère nausée d'anxiété, elle lève le voile sur son passé pas si lointain, consciente qu'en revenant chez elle, ses histoires du quotidien banal reviendront. Par chance, la musique qu'elle écoute lui fait passer le vol plus paisiblement. En survolant l'océan, une phrase lui revient en tête: "Don't ever tell anybody anything. If you do, you start missing everybody." La mine basse, les yeux clos, les oreilles bouchées par la pression, Julie veut retrouver cette phrase. Elle fouille dans son sac et sort son exemplaire du livre en question, sachant que cette phrase clos le livre. Quelque chose de raide bloque les pages. Tout juste derrière la quatrième de couverture se trouve une photo prise dans un photomaton. C'est elle et son amour d'été d'il y a dix ans... Le temps d'observer chaque détail du cliché, Julie a complètement oublié le livre. Elle a maintenant les yeux embrouillée: "j'étais tellement heureuse, à cette époque..." pense-t-elle. Les yeux clos à nouveau, la photo sur son cœur, elle dort jusqu'à l'arrivée.

La clé dans la serrure, la porte s'ouvre dans un subtile grincement. L'appartement est vide. Seulement une note sur le comptoir dans l'entrée.

"Je suis parti au travail. Fini vers 23h.

Tes lettres sont dans ta chambre. "

Elle dépose la note et se dirige vers sa chambre. Son bagage tombe de son épaule en cours de chemin, au milieu du petit salon. Elle regarde le nouvel emplacement des sofas, mais ce qui la frappe, c'est l'obscurité qu'a la pièce, dû aux nuages. La même obscurité que dans son petit salon, de l'autre côté de l'océan. Le même appartement vide et minuscule. Troublée par la vision, elle marche à reculons jusqu'à sa chambre où elle se laisse tomber sur son lit. Sous sa tête qui bourdonne crisse le papier de plusieurs enveloppes. Elle se tourne et remarque l'amas de lettres qui l'attendait depuis son départ. Trop déprimée par la quantité et par son retour solitaire, Julie pousse les lettres au bout de son lit pour les faire tomber et enfin dormir convenablement.

Une voix masculine la tire de son sommeil. "Julie… Julie, réveille-toi, yé passé 11h. " Les yeux collés, elle tend ses bras pour trouver le visage de son colocataire. Elle sourit en tapant légèrement sur les joues de ce dernier. "Quand t’auras fini de faire la grasse matinée, tu rappelleras ta mère. Je sais pas si tu voulais qu’elle sache ton retour, mais là c’est fait. Aweille, debout! " Julie le traite de con, se retourne et tente de revenir à son rêve, mais elle finit par ouvrir les yeux après quelques secondes. Les lettres sont toujours au pied de son lit. Elle prend celle qui est à portée de sa main et regarde l’adresse du destinateur. C’est la même pour trois autres lettres à peine plus loin : l’adresse de son père. La raison de son départ. Elle s’étire pour rejoindre les autres enveloppes afin de les lire en ordre.

"14 août 2009

Chère Julie, cela fait bientôt un mois que j’ai tenté ma première prise de contact avec toi depuis la séparation. Peut-être ai-je été trop optimiste d’attendre une réponse illico. Seulement j’aurais souhaité avoir ne serait-ce qu’un mot. J’ai demandé à ta mère si tu avais bien reçu la carte postale. Elle dit que oui, mais n’ose pas plus donner de détails, ce qui est plutôt embêtant.

Je sais que tu as dû souffrir de mon absence. Je voudrais que tu saches que c'est réciproque. C'est la peur de m'installer qui m'a fait fuir. Ce n'est pas très mature de ma part, j'en suis bien conscient, mais je pense que toi aussi tu as cette pulsion de liberté. Peut-être auras-tu, toi aussi, envie de partir au loin en tentant de vivre ta vie à fond. Et c'est ce que je te souhaite.

Je te laisse sur cette note en espérant avoir de tes nouvelles bientôt. Et, s'il te plaît, si tu as été assez généreuse pour lire cette lettre, ou du moins, cette ligne, je t'en prie: ne déchire pas la lettre... Merci "

En lisant cette dernière phrase, Julie sent une vague intérieure la rebrousser. Tout ce qu'elle souhaite faire, c'est l'inverse de ce que son père lui demande. Mais cette pensée frappe au même moment que sa pulsion de curiosité. Elle se penche à nouveau et remonte avec toutes les lettres. Elle trie celle qui ne concerne que ses cartes de crédit et autres burocraties semblables. Il ne reste alors que les trois lettres de son père. Elle prend la plus pesante du groupe.

"20 septembre 2009

Je sais que tu es loin, très loin. Je ne dirai pas qui a laissé échapper l'information, mais seulement que je suis heureux de te savoir en vacances. Et je ne parle pas de vacances du travail ou d'école, mais plutôt, comment dire... de la vie. Dans ma dernière lettre, j'avais parlé de pulsion de liberté. J'ignore si, au moment de ton retour, tu auras toujours cette impression, mais ce sentiment de se laisser aller, loin du vacarme de la ville, des voisins ennuyeux et moralisateurs, et ainsi de suite...

Il faut que je te dise pourquoi je suis parti.

Lorsque j'ai connu ta mère, nous étions le parfait petit couple. Drôles, mignons, bagarreurs par moments, amoureux tout le temps. Puis, après cinq ans, nous nous sommes mariés, pour nos parents, mais aussi parce qu'on avait chacun notre idéal sur l'idée du mariage. Nul besoin de dire que nous avions deux visions différentes de la chose, mais pour ne pas blesser l'autre, on faisait comme si nos visions étaient communes. La seule chose qui nous unissait réellement, c'était le désir de t'avoir parmi nous. Avec les années, le couple drôle et mignon n'avait plus en commun que le désir d'avoir un enfant. Alors tu es née, et tu étais la chose la plus merveilleuse à être entrée dans ma vie. Ta mère ne faisait déjà plus partie de mon univers. C'était toi et toi uniquement. Je te prenais constamment dans mes bras, je te berçais, te lisais des histoires. Évidemment, elle m'a reproché à plusieurs reprises de la négliger et de trop prendre soin de toi. J'ai commencé à comploter contre elle; je voulais d'abord divorcer et partir loin avec toi. Je voulais t'empêcher de vivre avec une folle comme elle, te donner une éducation morale et élevée en action physique et mentale. Je me sentais comme un super-héros de banlieue qui sauve son enfant d'une vie à entendre sa mère parler de grossièretés et de sujets d'adultes, libertins et vulgaires. Je voulais t'éviter sa frivolité qui me faisait honte, t'éviter son attitude de "même si elle n'a que cinq ans, parlons-lui de sexe et de drogue". Et je ne voyais plus que cela en elle. Tu avais six ou sept ans quand je me suis enfin prononcé sur le sujet avec ta mère. Depuis toutes ces années, je planifiais ce moment... Nous avons parlé et parlé. Ça a duré toute la nuit.

Ta mère n'avait pas l'intention de traiter avec toi des sujets dont j'avais peur, par respect pour moi. Je comprenais alors qu'elle était plus sensible que ce que je croyais, qu'elle se débrouillerait bien. Qu'elle t'éduquerait bien, même mieux que moi, le père stressé, nerveux, anxieux, et qui ne cesse de se faire des scénarios du pire. Je n'ai pas la notion de la réalité... Alors un matin, je suis parti. Loin, très loin. Comme toi. Pas un jour ne s'est passé sans que je pense à toi, ma Julie adorée. J'ai été en Californie, en Italie, au Madagascar... Tout et partout, je cherchais le soleil des paysages neufs. Mais tout et partout, il faisait gris sans toi. Cependant, lorsqu'il me venait à l'esprit d'essayer de te revoir, je me souvenais que le plus loin j'étais de toi, le moins je pouvais te faire du mal.

Je ne te mentirai pas. J'ai connu des femmes, et souvent ce n'était que pour libérer mon esprit de tous mes tourments et mes souvenirs et me laisser mourir un peu en elle. Oublier mes soucis et faire la fête. J'ai même réussi à t'oublier et penser que c'était pour le mieux. Je suis sorti près de quatre ans avec une femme respectable. Nous devions nous marier et fondre une compagnie ensemble. Finalement, elle est partie avec un type plus riche que moi... Je ne me plains pas, j'ai eu ce que je méritais.

Ce que j'essaie de t'expliquer c'est que je ne cherche ni la pitié, ni l'amour éternel ou quoique ce soit de très intense. Tout ce que je souhaite pour l'instant, c'est de te revoir. Pour savoir que tu as réussi à devenir la femme épanouie que je voyais dans mes rêves, il y a plus de quinze, vingt ans...

Je sais que tu es partie et donc, je n'attends pas de réponse immédiate. Seulement, lorsque tu seras revenue, j'aimerais que tu me laisses un signe de vie quelconque. Merci de m'avoir lu.

Jacques"

Le cœur lourd, la tête qui tourbillonne, Julie remet la longue lettre manuscrite dans son enveloppe en regardant les autres. Je les lirai plus tard, se dit-elle. La première chose qui lui vient à l'esprit, c'est d'appeler sa copine. Elle pousse son bagage toujours rempli pour passer par la porte, aller dans la cuisine et prendre le téléphone. Le combiné dans la main, le regard dans le vide, elle est prise d'un malaise, s'accote contre le comptoir, dépose le téléphone et met sa main libre sur son front. Elle se sert un verre d'eau à l'aveuglette et le boit d'un coup. Cette fois, elle ne sait plus quoi penser, à propos de son père. Le souvenir revient du vieux monsieur qui lui a parlé, dans un café avant son départ. Et si c'était vraiment lui, son père? Non, impossible. Il aurait écrit à propos de leur rencontre. Son malaise surmonté, elle reprend le combiné et compose le numéro de Catherine.

-Cath? C'est Julie. Écoute, je te parlerai pas longtemps; j'veux juste savoir si t'es disponible pour prendre un café.

-Hey! Ça fait longtemps! Tu viens de rev'nir?

-Alors, t'es dispo?

-Euh, oui oui... Qu'est-ce qu'y a? T'as l'air toute énervée...

-Vers 14h, j'vais être sur Maisonneuve. Tu me rejoindras au bistro. Chow.

Julie a ses lunettes fumées sur les yeux et boit son café rapidement. Catherine la surveille, soucieuse. Mis à part les mots d'accueil au début de leur retrouvaille, les deux n'ont pratiquement rien dit depuis dix minutes.

-C'est quand même pas ton coloc qui t'a tappé dessus? demande Catherine.

-Hein? Mais de quoi tu parles? Julie réplique automatiquement.

-...T'as des lunettes fumées, tu parles peu, tu bouges frénétiquement... Ya définitivement quelque chose de pas correct qui s'est passé.

-Oh je t'avais dit que j'avais un grand appart, en République? Ben grand... Faut dire que le fait qu'il soit vide donnait l'impression d'espace, ha ha.

-Je pensais que t'étais parti en Espagne...

Julie s'arrête de boire un instant, se reprend, et finit sa tasse. Catherine la fixe, mais tente d'oublier et de poser les questions qui la rongent.

-As-tu connu des gars? T'as dû faire le party, aller à la plage, la bouffe exotique... Dis-moi pas que t'es enceinte!

-Cath! Ta yeule, deux secondes, j'essaie de réfléchir... Non j'suis pas enceinte, voyons. T'es niaiseuse.

-Ben là, tu fais la gueule depuis tantôt, ça pourrait être n'importe quoi. J'essaie de te soutirer des informations, tu vois bien. Aweille... come on... Aweille!

-Ok c'est beau! Panique pas. C'est la lettre de mon père que j'ai lue... Quand j'suis partie, c'était pas pour le fuir lui, mais disons qu'y faisait partie du portrait. J'en avais marre de ma job pis du vacarme de la ville... des voisins ennuyeux et moralisateurs.

Elle se rappelle les mots de son père et s'arrête, incapable d'en dire davantage sur le coup. Ne sachant plus quoi faire, elle retire ses lunettes et se couvre les yeux avec ses mains. Catherine la regarde, confuse, puis tend ses mains et prend celles de son amie. "S'il y a quelque chose qui s'est passé, il faut que tu me le dise."

-Au début, j'angoissais, c'est sûr, mais la première semaine, le premier mois, c'était vraiment, vraiment bien. Oui, j'ai vu des beaux gars pis faite le party... Mais après, j'ai comme senti un vide. Sur le coup, j'ai mis ça sur le mal du pays, mes amies qui me manquaient. Ça fait que j'ai encore plus fêté, et bu... sans le plaisir de fêter ou de boire. Honnêtement, ya une grande partie dont j'me souviens pas très bien. Peut-être que j'me suis fait baisée, j'pourrais même pas te le dire. J'avais pu de vie. J'me suis installé dans l'appart d'un gars trop pété à la journée longue. Le proprio l'a foutu dehors pendant que j'étais sorti je sais pu trop où. J'ai gardé la clé, pis l'appart. Sans que l'autre le sache... Et là, toutes mes journées, j'les passais écrasée sur le sofa, à rien foutre. Pis c'est là que j'ai pensé que tout le poids que j'avais ici était pas parti pantoute.

Elle fait une longue pause, les yeux dans le vide. Catherine regarde sa copine, puis la table, et attend un signe pour parler. Julie soupire.

-Tu veux faire quoi? demande Catherine.

-J'va demander une bourse... Peut-être entrer en commerce, pis...

-Non j'veux dire, là, maintenant. Tu veux qu'on marche?

-...Ouais, ok...

Les filles font tout Maisonneuve pour se retrouver à la Place-des-Arts, où elles s'assoient dans les marches de la place publique. Julie finit par avouer qu'elle ne veut plus parler d'elle, pour l'instant, que ses problèmes peuvent attendre à plus tard.

-T'es encore avec Marc, ou...?

-Oublies ça, ok? Ce gars-là a jamais rien fait pour moi, pis anyway on fittait pas ensemble.

-Oh... désolée. Mais tu lui parle encore? Yétait quand même fin...

-Fin comme dans fini, ouais. Non, mais ouais, j'lui parle, à l'occasion. Faut dire que sa mère est constamment sur son dos aussi, ça aide pas à son caractère de cochon. Là yé rendu qu'il veut faire une exposition...

-De ...? Julie commence à perdre le fil de la conversation

-Ses dessins. Ya du talent, mais bon, il s'en vante un peu trop.

-...t'as raison, y vente pas mal... On rentre?

-Julie, t'es sûre que ça va?

-J'vais rentrer, okay. Merci d'avoir été là. Salut.

Catherine la retient, la prend dans ses bras, l'embrasse sur la joue, et libère enfin son amie qui part d'un pas monotone.


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JD

Mercredi 28 juillet 2010, 16h49

vendredi 14 mai 2010

98

Jeudi soir. Dernier soir à pourrir dans la chambre plutôt que de jouer au prédateur aux Foufs. Dernier soir à étudier pour le cégep. Dernier soir d'angoisse avant la fin de 5 longues années qui m'ont formé socialement, mentalement. J'étudie, j'étudie. Et puis, je suis passé au travers de toutes les notes à réviser, tous les textes. Lorsque viens le moment de s'allonger dans le lit, à minuit 30, devant South Park (Nigger Guy), mon dos craque comme le calisse. Y faut que j'me trouve une chiropraticienne.

La maison sonne vide. Lorsque je me tourne, je lâche un cri, tellement mon dos est raqué. Pour oublier la souffrance, au lieu de penser à un kick probablement passager, je me souviens. Marielle Lapierre... Pourquoi elle, à ce moment-là, aucune idée... Mais elle, je me souviendrai toujours de son nom. Et de ce que je m'étais promis, cet après-midi venteux au fond de sa classe, en 3e année du primaire. "Je serai responsable de sa mort". Après toutes ces années, après tous les calvaires, et même après tous les bonheurs les plus exquis. Après tout ce temps, je ne me suis jamais résolu à oublier cette promesse... Et pour dire vrai, j'aimerais bien savoir qu'elle n'est plus depuis bien longtemps. Ça me rongerait la conscience de ne pas avoir été fidèle à ma promesse, mais j'aurais moins la flicaille à mes trousses...

Et pourtant, la meilleure solution reste de savoir pertinemment que cette femme est seule et détestée de tous et toutes. Autant élèves que famille ou amis. J'ai rêvé être à son service jour et nuit, lui venir à son secours dans les moments les plus durs et attendre son dernier souffle tout simplement pour lui dire qu'elle a foutu ma confiance en l'air depuis mon plus jeune âge et qu'elle est détestée de tous. Être responsable de sa culpabilité. Est-ce moins grave que de l'aider à finir ses jours au plus crisse? Je comparaitrais devant le tribunal et j'avouerais l'avoir achevée, même si je ne l'avais pas fait concrètement.

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Une professeure du cégep au département de cinéma que j'aime bien m'a dit plus tôt dans la session: "T'as été frappé, plus jeune?". J'étais choqué qu'elle en vienne à cette conclusion après lui avoir dit que je n'aime pas les contacts physiques. Et puis j'y pense, et peut-être que ce n'est pas les "toffes" du primaire qui m'ont affecté, mais cette professeure complètement enragée et despotique. La violence verbale, l'humiliation publique. Ce qu'elle m'a fait semble aujourd'hui bien pire que les tolchoques de quelques gamins en manque de ritalin.

Marielle, je te souhaite une fin de vie plus paisible que ce que mon imagination te réserve.


Note au fbi: tsé ouais ok ça peut sembler comme l'autre cave de Kimver Gill ou j'sais pas quoi, mais no worry, jprône le respect d'autrui même si c'est des salauds. Veut veut pas, j'ai quand même un fond catho. Et puis, j'suis trop peureux et gutsless pour faire quoi que ce soit. Au pire, on s'en jase au poste de police? J'vous donne mon adresse anytime.
Mucho big love.

jeudi 13 mai 2010

We Want Chaos

On parle du reflet de la société. Pourquoi les gens adorent l'humour absurde? Parce qu'après avoir entendu toutes les blagues qui font trop réfléchir, on veut du neuf, de l'inattendu. Après avoir vu tous les films léchés et conventionnels, on veut voir du tonnerre, des plans tournés du genre ado qui se filme sur youtube pour montrer sa cours arrière et la chambre de ses parents. C'est ce qu'on entend par "reflet".
On a beau avoir Bernard Émond pour faire des films géniaux, mais on ne peut le classer avec l'époque dans laquelle on vit. Ce qui prédominera, dans cette société où le french entre filles est devenu le nouveau "câlin", c'est le chaos. Ne soyez pas surpris si, en sortant de chez vous, les feux de circulations ont été changés pour des couleurs bleu, blanc et vert, pour avoir l'air plus écolo. Ne soyez pas surpris si demain vous prenez l'autobus et que vous entendrez les chanteurs de la chorale de Laval indiquer le prochain arrêt. Ne soyez pas inquiets si vous voyez d'ici cinq ans des gens qui se donnent dans le parc et puis qui se cognent dessus. Si les flics rappliquent, ils diront qu'on réprime leur droit d'être sado-maso-exhibitionistes. Si ça ne marche pas, ils invoqueront la doctrine raciale et poursuivront les flics pour dégradation de leurs multiples croyances religieuses.

Demain, si vous tombez sur un film expérimental où tout est brouillé qui passe à un type mal cadré et nu qui joue de la guitare dans une salle de bain et qui passe à une grosse femme dans un jardin, l'image toute embrouillée; ne vous inquiétez pas. Nous sommes le futur. Nous sommes votre prochain reflet, celui qui est nourri à la pilule anti-dépressive et aux films de culs en négatif vert et mauve. Nous sommes Nulle Part. Nous sommes la solution au suicide. Nous créons chaque jour de nouvelles victimes qui deviendront à leur tour des combattants de la fatigue et de l'ennui morbide des professeurs d'université. Nous viderons les classes, les pistes de danse, et les salles de cinéma. Tout cela est dépassé. Nous sommes parmi vous, dans l'autobus, dans les rues après un concert, dans une aréna. Nous prenons tout et nous vous le redonnons au centuple, pour que l'horreur vous frappe et vous oblige à nous rejoindre. Il n'y a ni chef ni sous-hommes. À part égale, le monde est visionné, enregistré, édité et revisionné.

Le monde est un enfer où il fait bon vivre. L'enfer, c'est l'autre. L'autre, c'est le sujet et le créateur. La victime défini le prédateur. L'Essai n'est plus. C'est maintenant l'heure de donner le flambeau aux KinoX Opérateurs. Vous n'avez pas à vous méfiez. Bientôt vous serez habitués. Mais toujours nous trouverons le moyen de vous choquer.
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DM
13 mai 2010

mercredi 12 mai 2010

Bien mieux ainsi

Lundi 10 mai 2010, 11h am. Jean prend sa douche, se brosse les dents, se rase et s'habille. Il est midi et en mangeant ses céréales frosted flakes, il écoute une émission à Télé-Québec pour pré-ados tout en surveillant tous les courriels qu'il a reçus. Une fois fini, il prend son veston et part en direction du collège en prenant l'autobus. À l'intérieur, il n'y a plus de place assise. "Pas grave, chu jeune, j'ai des bonnes jambes." Il passe par la cafétéria, se dirige directement vers le comptoir des pizzas, prend une pointe et passe la payer avec sa carte de débit. Pour le reste de l'après-midi, Jean discute avec deux jeunes filles dans une salle de montage. Lorsqu'elle ne font rien, il s'amuse à les aider à calibrer le son pendant qu'elles regardent leur statut sur Facebook, ce qui le fait bien rire. Plusieurs fois, ils sortent de la salle pour fumer une cigarette et jaser des sorties à faire: bars, terrasses, spectacles, etc. Vers 17h, Jean pense avoir suffisamment aidé ses amies et décide de partir. La journée a été bien remplie, et il fait toujours soleil. Jean rentre chez lui à pied, la chaleur dans le cœur, rempli d'espoir pour le lendemain. Peut-être même pourrait-il aller voir le patron de son ancien travail pour récupérer son emploi et ainsi avoir assez de revenus pour payer ses études et ses concerts!


Mardi 11 mai 2010, 5h am. Jean se lève avec difficulté. En se dirigeant à tâtons vers la salle de bains, avec le vacarme que ses chaussons font sur le plancher, il agrippe au cadre de porte, ouvre le cabinet en miroir, prend ses analgésiques ainsi que ses anti-douleurs. Il se met un peu de pommade sur son front ridé et sous ses joues feutrées afin de les rajeunir un peu... Devant la cuvette, il attend cinq minutes avant de réussir à évacuer 1 ml de pisse... Il sort de la salle de bains et croit apercevoir quelque chose au-dessus de sa tête (une chauve-souris? une araignée? que sais-je..). Heureusement, il se rend compte que ce ne sont que ses immenses sourcils poilus. En s'installant à la table à manger, Jean ouvre le poste de radio et écoute 100,7 fm (parce que 95,1, ils sont trop énervés!) tout en mangeant une tartine au pain Montignac. Il doit surveiller son taux de cholestérol... Après avoir terminé, il profite des premiers rayons du soleil pour descendre les marches qui mènent au jardin... une....deux.... trois marches.... quatre marches! Ouf! L'effort l'a un peu épuisé, mais il reprend son souffle et, au bout de deux minutes, il se sent enfin capable de continuer vers son petit coin de carottes, puis de laitue et enfin de persil. Après de nombreux efforts, retourné à l'intérieur, Jean réveille son infirmière de 300 lbs et lui demande de le reconduire au centre d'achats, lorsqu'elle aura fini de lui faire prendre son bain. Ses os tous fragiles et ses mains tremblantes l'empêchent de prendre soin lui-même de son hygiène convenablement... Son infirmière lui rappelle qu'il faut qu'il aille chercher son chèque avant d'aller le dépenser en pastilles mentholées et autres cochonneries.

Bref.

Jean a passé d'étudiant attardé, inconscient et naïf qui souhaite trouver le bonheur à un vieux crouton gâté, paresseux et qui n'a plus à se soucier de son avenir. Il attend la mort, c'est tout. Et n'a plus aucune autre préoccupation. Et c'est bien mieux ainsi.

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Ce sera bientôt le 100e post. Jme sens encore plus vieux...

samedi 8 mai 2010

Olaf / Prendre le train (samedi 8 mai)

"J'aimerais que tu lises ça. Je l'ai écrit pour toi."
Le type donne un paquet de feuilles maladroitement brochées à son amie Sophie. Elle dit qu'elle n'a pas le temps d'y voir sur le champ, mais qu'elle y jettera un coup d'œil entre deux travaux. Le type, Olaf, est anxieux et prévoit la situation: jamais elle ne le lira, elle ne veux pas être impliquée dans un autre de ses projets. Trop ambition, trop sérieux, mais surtout trop étrange. Olaf a la mine basse, mais fais semblant qu'il ne s'en soucie pas. En fait, dans un cas comme dans l'autre, cela ne change pas grand chose, car son visage étrange a toujours la même expression du crapaud vermillon solitaire. Il quitte la pièce en même temps qu'elle en espérant prendre la même direction. Or, ils sortent par deux portes qui mènent aux antipodes. Malgré la douleur qui l'accable (comme tous les jours, mais ce moment semble pire en quelque sorte), Olaf peut enfin laisser tomber son visage crispé par la douleur de l'effort causé par un simple et presque imperceptible sourire. La douleur d'être un enfant unique à problème, c'est celle qui le pousse jour après jour à se forcer davantage dans tous les domaines. "Je n'ai pas à me soucier d'une deuxième personne. Je n'ai pas à surveiller ma garde-robe. Je n'ai pas à me peigner tous les jours. Je suis hideux, mais je suis fort... à l'intérieur." À cette pensée, une brève angoisse habite Olaf.

Pour se changer les idées, il s'impose un changement dans son trajet du retour. Il se fait relativement tard, et décide d'en profiter. Un bon buck lui remontera le moral. Il se rend au bar le plus vide qu'il peut trouver et commande une bière qu'il n'a jamais essayé, faute d'avoir des couilles et de faire des choses inhabituelles. "À force de changer le train-train quotidien, il y a bien quelque chose de neuf qui va m'arriver", se dit-il. L'angoisse reprend: pourquoi changer si l'idée d'être un hipster le rebute? Il cale son premier verre, espérant ainsi noyer ses obscures réflexions. Avouons-le, Olaf est du type déprimant, et une simple bière pourrait sans aucun doute le rendre plus intéressant.

Trois pichets cachent le visage d'Olaf, le corps penché sur la table, la tête dans les nuages. Plus ou moins conscient de ce qui se passe dans le reste de la salle, il réussi à soulever sa carcasse de sa chaise. Il sait qu'il est maintenant trop tard pour prendre le transport en commun et que ses fonds bancaires sont bien encrés dans le rouge bien sanglant, trop pour pouvoir se permettre un taxi. Plus lucide que jamais, il urge le pas pour sortir du bar et se retrouver seul avec la rue désormais vide. Même les yeux vitreux et le cœur qui bat à tout rompre dans ses oreilles, ce coin est trop familial pour continuer sur la même voie. Une rue transversale, puis une autre, un long corridor, puis une ruelle, et enfin une avenue silencieuse et aux allures d'une banlieue européenne. La lune lui rappelle qu'il est au beau milieu de la nuit et pourtant, pour la première fois de sa courte vie, Olaf a le sentiment de renouveau. Bien sûr, il rejette d'abord la faute sur le houblon derrière sa cravate défaite. Mais rapidement, cette pensée est écartée pour laisser place à l'émerveillement.

L'odeur des pins, le souffle léger du vent, la rosée sous les pieds: tout semble étranger et pourtant très proche à lui. Comme une bribe de souvenirs d'enfance qui revient le temps d'une fraction de seconde et qui repart pour laisser à Olaf le plaisir d'apprécier le moment qu'il passe. En traversant le parc qui le mènera Dieu seul sait où, une réflexion lui vient en tête: "Prétendre que tout est mieux ainsi, et se satisfaire de quelques rêves, n'est-ce pas moins répréhensible que de se baigner dans l'eau et engager d'autres personnes dans un malheur possible?" En vivant ce petit instant de bonheur, ce saugrenu personnage commence à s'imaginer profiter de ce panorama en bonne compagnie, tout en pensant que s'il était réellement accompagné, il ruinerait probablement la soirée d'une personne. "Qui a vraiment envie de déambuler dans la nature à 3h du matin avec un soûlon?" Il repense à cette jeune fille, cette Sophie qui avait déjà bien assez donné en jouant dans une de ses pièces complètement ridicule. Elle aurait des pensées meurtrières si elle avait dû le suivre dans son parcours. "Qui plus est, je suis mythomane et hypocrite. Je ne peux faire endurer cette affreuse personnalité à une personne qui n'a rien demandé." Le calme revient à lui lorsque le premier rayon se fait sentir, se fait attendre tranquillement. En pointant le nez au large, les paupières closes, Olaf reconnaît une senteur de campagne, d'un sous-bois frais et serein.

Ce matin-là, Olaf a pris ce qui lui était donné: sa vie. Le temps d'une soirée et d'une nuit, il a pris chaque bouffée de nouveauté et en a fait quelque chose de splendide. Jamais il ne voudra oublier ce qu'il a compris, cette soirée-là, comme quoi les esprits sont souvent affaiblis par un moindre découragement banal et que ce n'est pas une pensée noire qui l'en sortira. Il comprend enfin que ce qu'il touche se transforme en or, que tous ont ce pouvoir, mais que certains l'utilisent à de mauvaises fins. Il est fort probable que, d'ici un mois, Olaf reprenne ses pensées lugubres, mais pour le moment, il n'est ni nécessaire de nier sa laideur ni de la diminuer par rapport à ses forces: tout est fabuleux, si seulement on accepte de le voir ainsi.

Sa marche nébuleuse l'a conduit à deux pas de la gare centrale. Bien que le métro est juste au-dessous, Olaf considère le train plus agréable. Ce matin-là, pour la première fois depuis des lustres, Olaf se sent en paix avec lui-même. Et comme si tout cela n'avait pas été suffisant, en ouvrant les yeux, il regarde la neige printanière se poser au sol encore vierge et vert. Ça y est, sa dernière pensée de l'aventure fait son arrivée: "Je ne dois plus jamais refaire tout ça. Toute la magie d'une vie dans un globe temporaire, éphémère." Il sort un cahier de dessin et débute un esquisse d'où sort un visage à travers la brume. Il sépare la page du reste du cahier, y pose les lèvres délicatement, la plie en quatre, ouvre la fenêtre, et laisse la feuille s'envoler. Le dessin continue son chemin jusqu'à la fenêtre d'un appartement non loin de la voie ferrée, et réussi à s'infiltrer à l'intérieur. Sophie se réveille en sursaut tandis que la feuille se pose sur son visage. Elle lit. "Merci. Adieu."

Dommage... Olaf espérait secrètement que la page serait perdue au sommet d'un arbre entre deux branches, ou mieux, déchiquetée par un réacteur d'avion. Là où nul ne chercherait sa journée de bonheur. Tu me surprendras toujours, sacré Olaf.

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Samedi 8 mai, minuit 49

Surviv(or/re) (samedi 8 mai)

PART ONE : IMPROVISATION



''Que veux-tu de moi?

Que veux-tu de Toi?

As-tu un projet pour tes bijoux de famille?

As-tu un projet futur?

As-tu des idées?



Veux-tu simplement faire la fête,

Ou exploser?

La nature, la nature humaine,

N’importe quoi. Tout ce que tu veux.

Ce soir la nuit est à nous.

Midnight Summer Dream.



On va faire la fête.

On va faire n’importe quoi!

On va oublier, ou bien se souvenir…

Tourner le fer dans la plaie

Ou se faire du fun dans la face des autres?

Imaginer la lumière sortir de nos yeux,

Exploser comme un tube fluorescent,

Avoir le cœur en feu, Écouter Light My Fire…

Ou bien simplement danser comme des fous

Comme des imbéciles

Pour avoir du fun juste entre nous.



Que veux-tu?

Répond-moi.

Dis quelque chose…

Il n’y a que le silence qui emplie ma tête

Et pourtant j’ai plein de questions!



Il n’y a qu’une boîte qui me regarde

Qui ne me sourit même pas

Qui reste froide, futuriste,

Complètement sans sentiment…

Sans émotion



Tout ce que j’ai sont des médicaments

FAUX médicaments!

Que je ne pourrais pas prendre avec ces faux médicaments…

Tylenol… Alcool… N’importe quoi

Moi j’trouve ça drôle



… Que dis-tu de cela?...

Âme perverse!

Tu me regardes et tu ne réponds pas!

Tu ne fais que… regarder… qu’enregistrer

Tu ne fais qu’attendre ma réponse

Et pourtant,

Tu ne m’as posé aucune question…

Que veux-tu de moi?

Je ne vois qu’une lumière rouge éclater dans mes yeux

une lumière rouge éclater dans mes veines…

J’AI LES TYMPANS QUI VONT ÉCLATER!

J’ai envie de pleurer, tellement c’est beau…

Et pourtant je n’ai rien préparé.

Je n’attends que ta réponse…

Que dis-tu?



… Rien du tout.

Tu restes impassible.

Comme un fantôme.

On dirait l’Arche Russe :

Tu n’est qu’un fantôme qui me suit

Toi qui est derrière la caméra,

Qui ne fait rien du tout,

À part

Jetter quelques mots, une fois par ci, par là…

[...] "



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PART TWO : YOU MAKE IT EASY



"Mon cœur, en bulle, qui implose

Face à ma solitude, qui est, qui reste. " (Cinéma du Parc, août 2006)



J'aurais tant aimé savourer cet instant

Le partager avec la flamme du moment.

A Silver Star comes across the bar.

Suddenly I see the light.

Et puis, plus rien ne me dit rien

Tout devient vide de sens, soudain...

Le groupe est parti sur un sujet,

Mais j'en suis totalement exclu.

Peut-être avais-je trop bu.



N'en reste pas moins que le silence, soudain.

You made it easy to run away from me.

Et puis, tout finit par se savoir, à la fin

"Toujours le chat sort du sac" disait Carla

Ma vie sans toi, c'est ma vie sans moi...



Mais plus personne n'écoutait

L'orchestre jouait fort

Et les nuages sont revenus.

Il est reparti dans son champ de blé

Au dessus de la colline...

Il arrache chaque brin, un à un,

Et réfléchie à ses pensées et ses actions

Pour chacun des brins arrachés.



Tais-toi, sombre idiot

et reste sur ton îlot.

Et tais-toi, sombre idiot.

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JR

samedi 8 mai 2010, 15h09

jeudi 6 mai 2010

Teens (jeudi 6 mai)

Ce soir, on annonce la fin du monde.

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À son pupitre, Julie, 14 ans, écrit dans son journal intime: "le crisse de tabarnak! j'le déteste". La professeure, perdue dans son monde, continue à déblatérer sa matière, sans émotion aucune. Elle veut être décidée. Elle veut partir loin.

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Dans la cours extérieur, Charles, 15 ans, fume une cigarette en cachette avec ses amis. Il raconte à quelle point la fille qui lui coure après est chiante. Ses chums lui disent que c'est juste une pute qui veut juste un gros pénis pour combler son manque d'amour propre.

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Au son de la cloche, Martin, 14 ans, s'approche de Julie. Il l'a vue griffonner violemment dans son journal. "Salut. Est-ce que tu veux parler? J'peux etre ton ami." Julie le repousse. Elle part en courant. Martin est déçu. Et ne reparlera pas à une fille avant très très longtemps. C'était sa première approche à vie.

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Il est midi et Claudia se dirige vers la ligne de la cafétéria. Charles arrive tranquillement et passe devant tout le monde en ligne jusqu'à Claudia qu'il embrasse. Elle le tient collé par le pan de son polo rose et s'assure que tout le monde les voit.

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À sa table habituelle, seule, Julie regarde les deux se minoucher, pendant qu'elle sort un sandwich à la saucisse italienne. Dégoûtée, autant par son repas que ce qu'elle voit, elle sort de la salle, les yeux pleins de larmes, la tête baissée. Au passage, elle accroche violemment Martin qui tombe.

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Au cours de l'après-midi, pendant ses cours, Martin sent son cœur pomper. Il écrit avec son stylo rouge dans son agenda. Son professeur, plus éveillé que l'autre, s'en aperçoit. En lisant les messages inscrits, il envoie Martin au bureau du directeur. Martin en profite pour se diriger vers la classe de Julie.

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La cloche sonne pour une dernière fois. Charles sort de son cours. Claudia l'attend de l'autre côté de la porte. Elle semble paniquée, mais il s'en fout. Il veut s'allumer un joint avec ses copins, mais elle continue de bafouiller des paroles incompréhensibles.

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Le lendemain, on parle du renvoi du petit Martin. Dans les couloirs, les élèves parlent de la lettre qui était posée sur le dos de Julie et sous la roche ensanglantée qui a servi à la frapper sur la tête: "crisse de grosse conne!!!!! si jt'ai pas tué là, crois-moi, j'va m'arranger pour que ça arrive, un jour!! Crève, salope!"

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DQP (pour Drama Queen Power, j'guess)
Jeudi 6 mai 2010, 21h

Séjour (jeudi 6 mai)

Mon frère et moi sommes à l'aéroport Charles-de-Gaulle. La chaleur est suffocante, et évidemment, mon mouchoir est dans la valise... Tout est embrouillé à travers mes lunettes que j'enlève pour nettoyer. Trente minutes plus tard, on réussit à récupérer nos bagages. Direction le treizième arrondissement en taxi. Je sors le blackberry pour retrouver l'adresse, en espérant que le chauffeur ne nous parle pas trop. Je crève de chaleur, mais il faut que je reste éveillé. Même à trente-trois ans, Laurent dort toujours en voiture... Le panorama et le vent m'aide à passer au travers: les images sont identiques à tous les classiques auxquels le paternel m'a initié. En bref, on croirait revivre la scène du taxi dans Cléo.

Nous y voici. 41, rue du Moulinet. La rue est étroite et nos deux valises, pourtant petites, semblent prendre tout l'espace... Pas de sonnette, il faut cogner...

-Oui?
C'est une vieille dame, probablement la proprio. Les cheveux en chignon, un tablier autour de la taille, la vieille sent les épices à nous en faire pleurer.

-Oui bonjour, on est les fils à Germain. Monsieur Derome? Est-ce qu'il est présent?
-Ahh oui! Les p'tits du Québec! Entrez! M. Derome est parti chercher son journal, il devrait être de retour d'ici peu. Entrez, je vous en prie.
-Vous zavez tu l'air climatisé? demande mon frère. Pask'y fa' chaud en crisse dehors, en tout cas.
-Pardon?
-Ah écoutez le pas, il délire. C'est la chaleur... Avez-vous un ventilateur ou quelque chose de semblable?
-Votre père en a un chez lui. Je vous emmène, ou vous souhaitez l'attendre en bas?
-Moi j'y va, précipite mon frère.

Il suit la bonne femme avant que j'ai le temps de dire un mot, alors je ferme la porte derrière moi et les suis. Au moment où on est rendu au premier pallier, la porte s'ouvre à nouveau. Le crâne luisant, une petite chemise blanche, le Monde écrasé sous son bras...

-Bon, c'est là que t'arrive, toi! je lance, en redescendant les marches plus vite qu'en les montant. Je prends mon père dans les bras alors qu'il lève la tête. Son rire surpris est contagieux, et Laurent descend aussi pour lui serrer la main.

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-Ça m'auras tout pris pour convaincre le frère de lâcher son fichu garage, mais j'pense que ça en vaut la peine. Même si c'est pas tout le monde qui apprécie le paysage, on est quand même là pour te voir, alors ça fait du bien.
-Comment vous trouvez ça, ici? C'est bien non? Bon, j'ai pas la vue sur la Place d'Italie, mais c'est tout de même vraiment bien. Tout est proche.
-J'peux fumer?
-Ouvre la fenêtre, s'il-te-plaît... Tiens, j'vais vous en faire profiter aussi... Avez-vous déjà essayé la pipe, les gars?

J'en reviens pas... Il nous sort sa vieille pipe qu'il allume aussitôt, puis me la passe. "Je pensais que t'avais arrêté le tabac" je sors, en inspirant la fumée. "Juste quand Natalie est là" que le père répond avec le sourire aux lèvres.

-En fait, si on est venu plus tôt que prévu... J'imagine que tu dois t'en douter. C'est votre...
-Écoute Jean, à tous les mois, j'envoie des chèques à ta mère. Tu peux pas me demander de...
-Laisse-moi parler, p'pa. C'est votre 35e anniversaire à toi et m'man. Tout ce qu'elle veut, c'est un message sympathique de ta part. Peut-être un vidéo, ou... un p'tit tête à tête.
-Vous l'avez pas emmener avec vous?!
-Mais non! Est pas là, ok! Veux-tu bien te calmer...

Je me lève et rejoint mon frère qui quitte la fenêtre. Je sors une cigarette et l'allume. Assis sur le rebord, je regarde en bas... le vertige... Pourquoi ils l'ont installé au quatrième? Rendu à 72 ans, le vieux a peut-être de la difficulté à se rendre en haut tous les jours...

-Les gars, je vous ai déjà dit: ma vie, c'est ici maintenant. Rien ne va me faire revenir et vous le savez pertinemment.

Le silence revient. Le père se redresse et nous conduit à notre chambre. Mon frère me regarde et me dit: "Je savais qu'y s'en crisserait. J'te l'avais dit." Et moi de lui répondre qu'on a encore une semaine pour le convaincre. En espérant que ce soit suffisant...


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JD
Jeudi 6 mai, 17h00

mardi 4 mai 2010

Hantise

Les mains tremblantes. Le cauchemar est terminé, mais le cœur bat encore rapidement. Le moindre bruit fait tressaillir. Le soleil est loin. Il reste encore plusieurs heures avant son apparition...

Un tasse de café... Faut que j'trouve le silex, que j'me fasse un bon coffee and cigaret. Attendre que le temps passe. S'il faut que le temps prenne encore plus longtemps, j'suis prêt à prendre le risque, ne serait-ce que pour l'instant du réveil de la journée. Six heures passent, toujours pas de rayon du matin. On est peut-être l'hiver, j'vais attendre plus longtemps... Douze heures passent, et les nuages couvrent le ciel. Après 70 heures de sommeil, je viens de finir ma enième tasse. Je la range. Les yeux brouillés, la tête ailleurs, j'arrive en classe. Le ciel est toujours autant couvert. Les murs sont rouges, et je sens que ça risque d'affecter mon mental. La plupart de mes camarades manquent à l'appel... L'un d'eux entre dans la classe, la mine basse. "Elle est à l'hôpital... accident de voiture..." Je sors prendre l'air, le temps de respirer un peu de goudron. Les films m'ont influencé, la musique aussi. Je pense au scénario que je comptais présenter tout à l'heure. Une personne qui se cherche à travers les autres. Un miroir craquelé sans reflet. À mes pieds, je ramasse une partie du miroir. En regardant, j'y vois un profond puits. Puis, mon visage. La porte s'ouvre, et c'est un autre ami. "T'es pu au cégep toi. Quess tu fais là?" Il vient à moi, me donne les cd et les textes que je lui avais passés. Sans un mot, il me prend dans ses bras et quitte.

Dans la salle à manger, je regarde ma tasse de café, et me dis: "je la finirai pas, c'te tasse là... Me semble chu déjà assez nerveux d'même." Je me rend à mon cours, m'endors au fond de la classe. La voir m'a rassuré. Si bien que j'ai dormi jusqu'à la fin du cours. Jusqu'à la fin de ma vie.

Il m'a fallu voir le soleil pour enfin dormir à l'infini. Et faire de beaux rêves.

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DM
mardi 4 mai, menuit, environ.

lundi 3 mai 2010

Tombe

Toute la petite famille, on est à Québec, chez une des sœurs à ma mère. C'est probablement juste une visite d'été. Il se fait tard et mon père décide de partir. Je pense faire de même, alors je dis bonsoir à tout le monde, bisous, bisous, la main, bisous. J'embrasse ma copine et un dernier salut. Rendu à la porte, je réalise que ma copine ne me suit pas... "La voiture est dans la rue" me dit ma mère. Voilà le moment de solitude que je voulais éviter. J'essaie de demander à ma copine de venir avec moi, mais elle n'en a pas envie... Dehors, une pluie douce mêlée à la chaleur et l'humidité me donne encore plus le cafard. Je tourne le coin, me retrouve face à un cul de sac, et la voiture n'est pas là. Je reviens sur mes pas, essaie une autre ruelle, mais toujours rien... Merde, le père est parti avec. Et je marche, les idées noires plein la tête, je suffoque presque. Tout ce que j'ai sur le dos, c'est une veste en cuir, mes cheveux sont trempes, et je vois flou. Je me rend jusqu'au Vieux Québec, à la Place d'Youville. La place est surélevée et je ne vois pas ce qui s'y passe jusqu'au moment où je monte les quatre ou cinq marches. La place s'étend jusqu'à des centaines de mètres, et est remplie de cercueils noirs. À ma gauche, au fond de la place, un petit orchestre joue. Ce sont les corps de soldats canadiens revenus de l'Irak... Question cafard et déprime, je suis servi.
Ça ne sert à rien de rester, alors je me dirige vers notre appartement. Dans notre ruelle, qui fait à peine un mètre ou deux, je reconnais une vieille amie du primaire et une autre fille qui se cache le visage avec une tuque de fourrure. Je passe devant et tente d'ouvrir la porte.... pas de clé... merde... Elle commence à me raconter que ses frères manquent encore à l'appel. Il ne pleut plus, mais l'écouter me donne le même ennui, alors je met mes écouteurs et part la musique. Je met à mon tour mon chapeau de fourrure sur la tête et aussitôt, l'autre fille s'approche. J'ai les yeux fermés et pourtant je sais qu'elle est tout près. Elle prend mon chapeau, je fais semblant de rien, elle l'essaie, je continue d'espérer que quelque chose de bien arrive, elle me remet mon chapeau sur la tête, et là... enfin...

je me réveille.
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lundi 3 avril, 5-6h am