vendredi 28 octobre 2011

Recoller les morceaux

Texte que je ne peux pas publier avant le 17 novembre :)

On se promenait en patin à roues alignées, l’été, juste dans la rue, et pendant que l’un attachait ses protège coudes, l’autre s’asseyait sur la bande du trottoir pour regarder le soleil se lover derrière une flotte de nuage d’abord gris, puis ocre, pour finir rouge violet mauve sombre, et ça restait ainsi jusqu’au lever, quand on mangeait des tranches de pain, rôties et coupées en quatre pour y colorier du Nutella, du miel, des fraises confites, et du beurre d’arachide, puis glisser les mains sur le robinet sur le côté de la maison, remplir nos fusils à eau et élaborer des plans de commando, en s’infiltrant chez les voisins, le soir tombé, parce qu’on prétendait aussi devenir des ninjas invisibles et que rien ne nous arrêterait jamais, comme n’importe quel enfant de huit ans, mais certains restent plus discrets et préfèrent le bord du trottoir et faire sauter une super balle rebondissant jusqu’au milieu de la rue, où les voitures passent mais pas tant, juste un peu, et on n’avait jamais peur, à cet âge-là, de se faire frapper, parce que c’était peu connu comme coin, et qu’on était la première génération à grandir dans ce quartier. Des fois, une tante pas trop éloignée venait une semaine avant nos fêtes parce qu’elle s’était trompée de date, mais on pouvait quand même jouer avec nos cousins pendant un après-midi, courser jusqu’au bout de la rue, pisser sur l’arbre du vieux, qui habite encore là quinze ans plus tard, déballer des cadeaux assez banals, mais assez sympas pour jouer un après-midi avec les cousins et le nouveau jouet, et on finissait par souper ensemble sur la véranda en arrière avant de construire des forts dans le salon avec les coussins du sofa puis les voir quitter dans une Jetta 89 bleu poudre, mais pas le même modèle que celle de nos parents, et les voisins prenaient la relève en engueulant le grand frère qui avait brisé la pompe à eau des voisins durant un commando et souvent, ça finissait en pleurs, mais rien ne durait vraiment longtemps, à cet âge-là on oubliait vite, et le lendemain les dessins animés ou les Power Rangers jouaient assez fort pour passer à autre chose, avant que la petite voisine d’en face sur qui on avait un œil n’offre un sac de billes en guise de cadeau officiel d’anniversaire et qu’on pique une crise parce que ce qu’on voulait, c’était la nouvelle figurine de Batman, ou n’importe quelle autre cochonnerie de gamin gâté.

On peut penser qu'avec du recul, ça peut passer, mais ça passe jamais, parce que si ça a cassé en quelque part, c'est parce que c'était pas fait pour être recollé.

mercredi 26 octobre 2011

26 oct - T'es où, Phoebe... part 2

Mon sac d'ordinateur, l'appareil photo dans son étui, et un bagage de linge presque fraichement lavés. Je débarque à Grey Hound, Maisonneuve, après une superbe entrée dans la ville reconstruite par la pensée. La beauté du trajet flotte encore dans mes yeux, même dans un métro bondé de Berri, j'écoute des pistes qui s'appellent Montreal (Bran Van, Malajube, Autechre). Sur mon nuage, rien de dérange, pas même les trois gros bagages et mon parka. Descend à Montmorency, 17h l'heure de pointe. Pris entre soixante passants, je plane un peu moins. Une place se libère, je m'installe; il reste un bout à faire, la moitié. Deux minutes passent, *tap tap* sur l'épaule, un *tap* tout fragile. Elle a mon âge, peut-être moins, pâle comme le ciel: "Je fais une baisse de pression... je peux?" D'un bond, je laisse ma place; je sais ce que c'est de perdre conscience dans un autobus bondé. Je sors ma bouteille d'eau du parka, mais n'ose pas, elle n'en voudrait pas, l'orgueil ou les microbes, elle n'en voudrait pas, l'eau est peut-être chaude, non elle n'en voudrait pas, merde, avec sa tête dans les mains, pas évident, non elle n'en voudrait pas, c'est pas le moment, elle sort son cellulaire, même modèle que moi, tiens, non elle feel pas, elle n'en voudrait pas, encore la tête dans les mains, mais elle souffle... *Tap tap* "Veux-tu de l'eau?" Non de la tête... puis "Ça te dérange pas?" Non de ma tête, une gorgée, je suis rassuré. Merci, non c'est tout naturel. Me prépare à sortir, mon arrêt... le sien aussi. Tu retireras tes écouteurs, c'est pour enlever la chaleur de tes oreilles. Si elle te parle, tu ne les enlèveras pas à la hâte.
"Merci encore pour tantôt, hein!" Toujours aussi pâle, mais une bonne voix. Qu'est-ce qu'elle est jolie. "Je connais ça. Ça m'est arrivé une coupe de fois... Tant que t'es pas malade...enfin.." "Ben merci, en tout cas" Le plus doux des sourires aux cheveux noirs de jais.

Entre dans la voiture de son père, disparait je ne sais même pas dans quelle ruelle. Fuck, Phoebe... T'es où....

26 oct - T'es où, Phoebe...

J'ai toujours l'impression de tout faire tout croche. La lettre que j'ai envoyée, j'ai niaisé en la pliant comme elle, elle le faisait, j'ai écrit sous le coup de la réflexion hâtive, j'ai écrit sous la colère, tout sur l'impulsion du moment, jamais vraiment tourné ma langue sept fois avant de la lancer sur les gens. J'y pense après coup, quand le mal est fait. Je sais pas v-ivre en société, faudrait m'enchaîner, me laisser traîner dans la rue, loin de la vue des enfants.

Et pourtant, la petite à mon cousin... Elle porte le nom de notre grand-mère, et mardi soir, elle me regardait de loin, les petits doigts boudinés dans la bouche, avant de courir au salon, me pointer moi puis son livre de la petite souris qui compte des histoires. "Elle veut que tu lui lises son livre préféré", m'a dit sa mère, le gros sourire aux lèvres. "Faut que tu t'assoies en indien; a va s’assoir au creux de tes jambes." Bon sang qu'un album pour enfant, faut lire lentement. Du texte, y'en a: cinq à six phrases. Pour boucher les trous, j'imitais les gestes de la petite souris qui aime raconter des histoires de peur, avec des chatouilles, la main en coin coin. Bon sang qu'elle était cute, la p'tite... Parait qu'elle se laisse pas approcher aussi facilement, me racontait sa mère. Mais si j'y arrivait, elle devait juste dire ça pour me flatter. Je peux pas avoir un si bon atout avec les kids... J'angoisse trop. Et quand je les vois partir, avec un minuscule bisou sur la joue, pas forcé ni rien, ça me fend le cœur.

dimanche 23 octobre 2011

23 oct - Devrais-je partir

Devrais-je partir ou bien rester? Devrais-je encore tout laisser tomber. Commençons avec ces phrases, le cerveau suivra bien.

Devrais-je déjà partir? Deux jours. Les gens me trouveront ridicule, accroché à mon cocon familial. C’est vrai. Si je reste plus longtemps, ils s’ennuieront davantage de moi, je n’aurai rencontré personne, j’aurai fuit avant le retour des rénovations ainsi que le passage d’un cousin. J’aurai fuit mes parents pour ensuite fuir mes hôtes. Que de lâcheté en moi. Devrais-je encore tout laisser tomber, voir mes souhaits d’escapades ruinés à néant, simplement parce que j’ai peur du nouveau, refuser d’aller dans un café bar lézard, parce que je sais qu’ici, à la brûlerie Limoilou, normalement j’ai accès au Wifi, sauf ce soir évidemment. Peut-être même qu’au Lézard, ils l’ont ce soir, le Wifi. Mais je reste ici, parce que c’est clair, lumineux et que les filles sont belles. Pourquoi, à chaque fois, je m’incruste par pur égocentrisme, juste pour retirer mon bonheur personnel avant celui des autres. J’aimerais donner plus. Et en même temps, tout est voué au néant. Les filles de Québec ne tiennent pas autant à voyager que celles de Montréal; normal, il n’y a rien d’autre à voir que Québec. Tout est proche, tout sent l’automne, même les colonnes de fumée impressionnent, enfin, pour le petit faux bourge que je représente. De toute façon, Montréal sans Raphaël, ça devient Montréal avec Gual… Rien à comparer, rien à envier.

Should I go or should I stay. La grosse question à cent balles. Qu’elle est votre réponse finale? J’ai fait mes devoirs, sauf ceux de l’école, je ne dois plus rien à personne. Mais c’est plus fort que moi, je sens l’obligation de rester. Pour moi-même, sinon pour aider aux rénovations au 3e étage, pour aider à faire les commissions, pour sortir les habitués et leur montrer à travers mon regard la beauté de leur ville… Ma culpabilité me met le poids de la famille entière sur les épaules, et le voir ainsi ne pourra que ruiner mon séjour. Alors, que reste-t-il? On vient de rebrancher l’internet, oh joie, vive mes chaînes, je suis accro à l’opinion publique, je veux pleurer tellement la nouvelle cliente a les plus beaux cheveux rouges de la planète. Mes oreilles sillent derrière l’ambiance étrange d’Aphex Twin, au lieu de se reposer aux mélodies qui plagent mon lecteur.

T’es de mauvaise fois, ce soir. Repose-toi. Demain tout ira mieux. N’écris pas… trop… vite… La mouche vient de s’arrêter sur ton écran.

22 oct - Les junkies d'en haut



Une heure du matin, thump. Le landlord a tué le couple de junkies qui se battaient en haut. J’ai entendu les corps tomber juste au dessus de ma tête de petit Iroquois de vingt-trois ans. Il règle ses comptes à coup de thump, et moi qui essaie de dormir après quatre heures à écouter sa femme me raconter sa vie, ses allers à l’hôpital, sa dépression, sa relation houleuse avec son mari, devant un jeune qui cachait ses bâillements par respect, fumant à tout vent juste pour l’accompagner, sans montrer de signes de la vessie faiblissant ou du vent qui rentre par la vieille porte en bois et gèle tout l’appartement. De ma chambre sans porte, je l’aperçois rentrer avec sa pelle que je devine rouge, maculé de sang, et espère que les junkies n’étaient pas des natifs comme moi. Il me faut sauver ma peau avant qu’il ne m’arrive pareille histoire.

Le couic de la chaise m’indique qu’il boude au salon, et au-dessus le plancher craque, résonnance des deux corps en spasmes de l’agonie, fracture aux crânes, les phalanges recourbées jusqu’à faire couler le dernier sang de leurs paumes. Les mouches au fond du garde-robe brisé sortent déjà et passent par le trou où devrait se trouver une ampoule, au-dessus de ma tête. Je dois quitter au plus tôt.

La femme me racontait qu’ils travaillaient aux heures de bars, que la fille était probablement barmaid, et que le gars ramassait les bouteilles pour se faire un fond. Personne ne parlait de drogue, mais ça se regardait trop à côté pour ne pas le penser. La fille jasait avec les garçons en visite comme moi, mais pas exactement comme moi, pour leur demander du fric et s’acheter un petit sachet blanc, et personne n’en parlait, parce que ça aurait fait jaser le voisinage, mais le landlord, lui, le savait. Plus jeune, il avait assez donné dans ce domaine, il les reconnaissait, les morts-vivants. Père de deux enfants d’une femme avec qui il a divorcé, eux-mêmes parents de deux ou trois enfant, puis en couple avec une jeune femme de 46 ans, il trouvait les siens en un regard pour leur flanquer un bon thump de pelle si jamais le son des junkies du deuxième résonnait dans leur quatre et demi dont une porte avait été arrachée pour me laisser cette chambre où j’essayais de dormir à une heure du matin après quatre heures ou plus d’explication de la vie par la femme de 46 ans ou plus qui m’avait donné tous les détails de sa vie sans que jamais je ne place un mot, si ce n’était que pour acquiescer ou pour proposer mon briquet lorsque le sien faisait défaut. Et j’avais peur qu’on me foute dehors, à coup de thump.

21 oct - Devant moi

Devant moi, une nouvelle ville, un autre Montréal. Montréal, l’industrielle, la détruite. Derrière moi, les traces d’une fille que j’ai peut-être détruite. Des arbres en fleurs défilent sous mes yeux, et pourtant l’automne résonne. L’autobus passe devant un port usé, et au-delà, des foreuses abandonnées. Plus loin, des champs de blé font pousser en moi le cultivateur des vieilles terres, des vieilles valeurs. Comment expliquer la peur de fuir pour de vrai, cette fois, devant ces paysages défraichis, la possibilité de ne plus revenir, et laisser enfin derrière de vieilles amitiés.

Ici, tout est clair. Au premier bloc, une chocolaterie, au second, deux ou trois resto-bar, au troisième, deux pharmacies un dépanneur une caisse, au quatrième, un cégep trois restaurants une brasserie une épicerie, à trente minutes de marche, le Vieux Québec, des restaurants à la tonne, les cafés, les vêtements, les peintres, les enfants, la tête qui tourne de fantasme et une femme seule. Logement cinq et demi, onze cents par mois, juste au dessus, près de tout ça, chauffage et internet fourni, la lumière rentre de partout et la vue sur la province. Le landlord veut faire un open house pour célébrer la fin de la rénovation, et mon cercle urbain de Montréal devient tout à coup si effacé, j’en suis désolé. Fuir la grande ville des petites amours, pour rester ici, trouver une fin heureuse…

« If it’s a crime, then I’m guilty, guilty of loving you ». Toute la bande musicale d’Amélie Poulain y passe, dans cette brûlerie de Limoilou, et j’entends siffler, sans savoir si c’est moi ou la serveuse derrière son comptoir. Deux filles parlent de documentaire, « c’est pas la même chose que reporteur », et le sourire me vient facile, surtout en regardant celle avec les lunettes et le petit air de rien. Je m’étais dit : plus jamais les filles à lunettes, et pourtant, avec Amélie en fond, elle est mignonne. La tantine d’hier qui me demandait si je souhaitais rester ici, à laquelle j’ai répondu : « Peut-être plus Montmagny ». « Oh non, j’suis sûr que tu t’ennuierais. » Non. Enfin… Pas nécessairement. C’est plus calme qu’ici. Peut-être finalement… Mais c’est plus calme qu’ici. Tendre, rempli de vieilles mémoires, la maison de mon grand-père, mort devant moi, petit enfant de quatre ans, l’église où se sont mariés mes parents, l’appartement de ma marraine, le Herving, la tantine, le décès de ma grand-mère il y a deux ans. Peut-être, finalement… Ici, il n’y a que de gens vivants, des bonheurs d’enfance conservés comme si c’était la veille. Toute une famille avec le cœur et les bras grands ouverts. Comment refuser tel accueil…

Sur ma machine, les mots s’inscrivent dans le noir, face à une quincaillerie au néon. Tout autour, le vide. Je sais qu’un vélo se trouve à ma droite, une porte arrachée en arrière, mes souliers à gauche, près d’une plante, et pourtant je ne les vois pas. Je sais que derrière moi, une maison, un lit à moi, une pincée d’amis qui ne remettent pas à bientôt, des études motivantes; mais je ne les aperçois pas. Devant moi pourrait se trouver un nouvel univers, une vision épurée de la Montréal détruite que j’ai quittée, une job, une amie de cœur, comme disait mon Jesus Freak de mononcle.

Le confort et l’indifférence… le mal du voyage, revenir à ce qui est sûr, voilà ce qui va me ramener à vous. Au moins en profiter pendant que je vis mon pseudo vagabondage, trouver le fichu téléphérique, aller ailleurs qu’au Vieux, ne pas se perdre, dormir sur un simple matelas, posé à la va vite dans une chambre noire de vide, écrire jusqu’à saigner ici aussi.

jeudi 20 octobre 2011

20 oct - Me faire confiance

J'avais raison, et tu pourrais dire que c'est se penser bien bon que d'écrire ça. Pourtant c'est vrai. Tu es une cold-hearted-bitch. Il fallait que je l'écrive. Je me suis repris à ma façon, à mon niveau (bas, c'est vrai). Après deux ans à te demander une simple rencontre, juste un café, not meaning sex même si j'en rêvais, tu ne laissais que des excuses pour t'en sortir. Je t'ai traitée de profiteuse, dans ton dos aux minuscules épaules, et dès que tu redonnais signe de vie, je frémissais de peur d'être à nouveau détruit, et d'extase de peut-être enfin avoir ma chance. Après deux ans, t'es revenue me demander de l'aide. Cette fois, ma naïveté a pris le large. J'ai eu trop de fun, trop de discussions avec de vrais amis, des interrogations pertinentes, j'ai vu dans ton jeu. Pour la première fois, je n'ai pas bronché. J'ai accepté, seulement si c'était en personne.

Là, j'avoue m'être fait baisé. La veille, je t'avais demandé: "Je viens seulement si t'appelles pour confirmer. Entre 12h30 et 13h. J'attendrai 30 minutes maximum après mon cours, et s'il n'y a aucune nouvelle, fuck this shit." C'était pas prévu dans ma tête que la prof écourte la séance d'une heure... J'ai cherché un café pas trop rempli, j'y ai vu une connaissance, alors je suis resté, et me suis consolé avec un latté moyen, sans rien ou pas grand chose dans le ventre. La fatigue, la faim, l'excitation, ton appel qui n'arrive pas, l'angoisse, le cellulaire qui affiche 12h20, j'attends, j'écris, navigue Tumblr au café wifi. Sors, mange une moitié de sandwich au jambon extra-moutarde, fume une deux trois cigarettes, bois de l'eau, évacues au WC de l'Uqam, parce que c'est proche et clean, comparé aux toilettes du Presse Café. 12h54, pas d'appel. "Fuck que je vais le regretter, mais... j'm'y rends pareil." À Jean-Talon, j'ai la tête qui fait des kickflips, à cause de la fatigue, de la faim, du café, de l'excitation, de l'angoisse, de la rage qui culmine, le train qui n'arrive pas, la tête tourne, je veux pas pass out. Sors à Université de Montréal, monte les marches, ça va quand je bouge. Dehors, le cell vibre. "BON ENFIN! As-tu reçu mes autres appels? J'ai essayé de t'appeler à 12h55!" ...T'avais attendu jusqu'à la limite du temps. P'tite bitch. Tu voulais savoir si ça tenait encore. My god, t'es plus conne que je le croyais. "Si tu veux annuler, sens-toi ben à l'aise! J'voulais juste avoir la confirmation que tu vas être là, que j'me déplace pas pour rien." Ça t'aurais pas fait de tord. Combien de fois tu m'as donné rendez-vous sans jamais te pointer... T'aurais trop aimé ça, savoir que j'étais parti; t'aurais pu t'en contre crisser, comme d'habitude. Mais non seulement je tiens ma parole d'honneur d'être là, je voulais que tu te sentes cheap que je sois là et pas toi. Si t'as une conscience, en tout cas. Alors t'as dit: "Ok c'est bon! Faque, je pars, là!" Et j'ai rit. Je t'ai traitée de niaiseuse, de comique, de conne. "Comment ça t'es pas partie?" Déjà là, j'aurais dû quitter. Mais je comptais sur ce meeting. Et puis, un peu de temps supplémentaire allait m'aider à respirer un peu, digérer le café, la faim, le sommeil, l'angoisse, le froid, ma rage à la limite.

Il était 13h25. La première pensée qui m'a traversée en raccrochant: "My god que sa voix est banale..." Alors, je suis entré dans le pavillon Jean-Brillant, trouvé les premières toilettes, déverser tout mon fiel, maudire les dieux de m'avoir conçu si naïf, puis sorti à nouveau au spot convenu, entre l'entrée de stationnement et la BLSH. Fume une cigarette, watère, watère, beaucoup bu de watère bien fraiche. T'as rappelé dix ou vingt minutes plus tard. "Jean, je trouve pas ma feuille de consigne... Mais j'suis proche de la trouver, j'le sens!" T'étais même pas partie. "Dès que tu la trouves, appelles. Dès que t'arrive ICI, appelle." J'avais chaud, y faisait frette, y ventait ou faisait soleil, j'ai été attendre à la bibliothèque, essayé d'écrire sur un monastère, mais j'avais le sommeil qui la ramenait, la faim intense, le café qui brûlait mon estomac, la rage qui grandissait. "Je l'ai!!! Je pars! Ça va me prendre 30-40 min. MAX une heure si j'tombe sur le trafficMAIS s'te-plait, quitte pas entre temps. Mon cell est mort, j'pourrai pas t'appeler." Et j'entendais: "Crisse t'es encore là? T'es vraiment accro, c'est cool, tu fais tout ce que j'ai envie que tu fasses. Ok attends-moi super longtemps, on va voir combien de temps tu vaux. Pis appelle-moi pas. Ça va rendre le jeu encore plus drôle. Pis anyway j'aime pas ta voix."

Je suis rentré par le sous-terrain, identifié toutes les toilettes dans un périmètre de 3-4 kilomètres, bu tellement d'eau pas si fraiche finalement, la tête qui veut pleurer sans en avoir la force. J'ai rappelé à ton numéro. Ton père a répondu. Victoire numéro 1. Je savais que t'étais une fille à papa, mais qu'il mettait beaucoup de poids sur tes épaules. J'en ai profité pour lui dire que ça faisait 2h et plus que je t'attendais, lui ai dis que tu ne devais pas avoir grand respect pour le monde. Bref, t'étais enfin partie pour vrai, et à ton retour se tiendrait un père avec la grosse strap pour botter ton p'tit cul de poule demi-mondaine. "Une cocote de luxe qui ont affolé nos grands-pères." Tiens c'est drôle. L'autre jour c'était la violence de Bateman, et là c'est la jovialité d'Antoine dans Cléo de 5 à 7.

En face de la bibliothèque, dans le couloir descendant au stationnement, je me suis installé sur le rebord de la fenêtre où les gens fument. J'ai respiré, repris un peu de moi-même après chaque demie heure, mais toujours le ventre en compote. Il était 15h45 environ, si ce n'est pas plus. Tu es passée juste devant moi, ton petit jacket de cuir, tes lunettes de fake hipster nerd ou je sais pas quoi. La face de la fille qui prétend étudier. J'étais tellement mort de l'intérieur que je ne voulais même pas t'accueillir en te prenant dans mes bras, bise-bise, pas même la poignée de main, rien. Rien qu'un coup de poing, comme le boxeur dans Maudite Aphrodite. J'ai préféré t'insulter avec le sourire. C'est avec les mots que je tape le mieux, je vise le point sensible et ouvre la plaie jusqu'à ce qu'on ne sache même plus où a commencé les dommages. Tu parlais fort. Dans la bibli. Tu ne savais même pas où t'installer. On est monté des trois étages, pour trouver une table semi correcte. J'ai sorti mon portable, et tu n'avais rien. "Des feuilles mobiles au moins?" Non, même pas. Juste ta foutue feuille de consignes et ton minuscule recueil de textes. J'ai voulu me mettre tout de suite au boulot, et t'as parlé d'autres trucs, que je t'avais abandonnée, que j'avais eu le guts de quitter, "Ah ouin??? L'Uqam c'est plus facile que l'UdM??? Tu niaises?" et j'en profitais pour te traiter d'aveugle, d'ignorante, mais toujours avec le sourire. T'as tout gober, toute la marde que j'avais chier dans la journée, toute celle qui s'était accumulée depuis deux ans. Et t'as tout pris parce que je souriais.

J'ai eu ma rencontre. J'ai bien fait de me faire confiance, de rester malgré le manque de sommeil auto-imposé, le café ingurgité volontairement, ma starvation auto-générée. J'étais en crisse contre moi aussi, dans le fond. Mais tu m'as quand même fait attendre plus de deux heures. Et on n'a pas travaillé une seule fois, jusqu'à ce que le soleil disparaisse complètement, vers 18h. Seconde victoire: j'avais eu ma "date". Ok, dans une bibliothèque bourrée de souvenirs misérables, ok, à basse voix, ok, dans le cadre d'un "travail". Mais intérieurement, je savais que t'allais remettre ce travail en retard, en plus d'être rédigé par un autre têteux. Dès le moment où je t'ai vu, tous mes fantasmes de quickie dans les toilettes se sont évaporés. Je te voyais comme tu es: une psychopathe, "characterized primarily by a lack of empathy and remorse, shallow emotions, egocentricity, and deceptiveness. Psychopaths are highly prone to antisocial behavior and abusive treatment of others". Tu n'as que tes intérêts, fuck ceux des autres. J'ai fait pareil. Basta ton travail, je fais ce qui me plait. À la tombée de la noirceur, j'ai eu ce que je voulais, j'ai callé la fin de la séance. "Ok, mais demain, connecte-toi tôt qu'on puisse finir ça, ok? 11h? Non j'aimerais mieux genre... 10h." Yeah right. J'ai eu mon nanane, mange mon pain. "Fine. Bye."


Hier soir, après ma bière avec Raph, une soirée de grand bonheur, du bien être pur, j'ai enlevé la vibration de mon cell. Toute la journée, je l'ai laissé dans ma chambre, surveillant une fois aux quatre heures si j'avais reçu un appel ou un message. Des dix textos entrés, aucun de toi. J'avais raison. Je savais que tu n'allais pas te pointer. T'as trop détestée être aussi longtemps être avec moi, ou ton cell était mort, ou ton père t'as sacrée la volée de ta vie. T'as dû préférer l'autre colleux dont tu parlais pour faire faire ton travail, dû pour demain. J'aurais aimé que t'appelles pour de dire tout ce que j'ai écrit ici et dans le texte précédent. Je n'ai plus rien à perdre. Non seulement tu es rigide et prude, tu n'as clairement aucun intérêt pour moi, mais en plus je ne vois plus rien d'intéressant en toi. Fallait vraiment que je soit sorti avec cette seule fille pour tripper sur une petite garce froide dans ton genre.

Tu disais que tu ne savais pas dans quoi aller, pourtant si près de la maitrise, que tu trouvais ça dur. Je t'ai demandé quelles notes t'avais, en général. Rien en bas d'un B. Et j'ai pensé: voilà le travail de l'Université de Montréal, où l'on forme des jeunes à être des pros de l’intelligentsia, mais à tellement les déprimer qu'ils pensent qu'ils ne sont pas bons. Créons des maitres qui dépriment pour ne pas paraître vantards. Jamais tu ne rusheras pour trouver un boulot payant et reconnu, avec une maitrise en poche. Mais toi, tu vas broyer du noir à longueur d'année. Je risque de rusher davantage, mais au moins je sais que je veux du fun noir. À l'année longue.

Faut que j'apprenne à me faire confiance, à l'avenir. Je sais ce que je veux. Si tu ne me conviens pas, je te l'ai dit, tu vas le savoir en tabarnak. Dans ton visage sans expression, c'était pas évident de savoir si tu comprenais tous les calls vicieux que je faisais à ton égard...

En sortant de là, je me suis demandé: qui est le plus psychopathe entre toi et moi? Peut-être tu ne fais pas exprès. Mais t'as tellement fait de mal... C'est pire quand c'est même pas consciemment, à mon avis. Parce que tu ne peux pas le contrôler. Tu te sers de tout le monde, et tu ne changeras jamais, parce que c'est ta nature. Well, I'm done with you. YOU GET NOTHING! YOU LOSE! GOOD DAY, SIR! ;)

mercredi 19 octobre 2011

19 oct - Prude-nce

J’ai tellement couru après toi. J’ai perdu du temps avant de te parler, j’ai perdu encore plus de temps à tes côtés, j’en ai trop perdu à t’espérer. Et chaque fois que je relançais, t’étais malade où je ne sais quoi, toujours à trouver des excuses, et j’ai encore perdu du temps à me demander si c’était vrai ou n’importe quoi.

Et maintenant, encore, tu reviens pour que quelqu’un fasse le sale boulot pour toi, en échange d’un sourire d’innocente croqueuse de p’tit gars. Pourquoi j’aurais encore envie de faire le carrousel? Je sais que si je n’attends rien, je ne me blesserai plus. Et pourtant, en m’imaginant t’ignorer, tu tombes encore dans mes bras. Tu parlais d’une quickie dans les toilettes, et tout ce que j’y vois, c’est une baise de la mort, et ma tête qui fait « C’est quoi ton problème? T’as pas assez souffert de son indifférence? » et ma queue qui en redemanderait, et je lâcherais un cri de colère, tanné d’être utilisé. J’esquisse un sourire en pensant à la chansonnette de Kraftwerk… « I don’t want to be, tum tumtum, your sex object ». Je n’ai plus envie d’être ta bébelle, point. Tu m’as demandé comment payer mon travail, avec des minoucheries, les yeux doux et des blagues douteuses; j’ai écrit « peace ». Même pas une quickie, ni un café, pas même un câlin, rien d’autre que « Fous-moi la paix ». Sors de ma vie, disparais et ne reviens plus devant moi. « I think you should leave. If you stay, I might hurt you. You don’t want to get hurt, now, do you? » Les mots de Patrick Bateman sortent de ma bouche. C’est dire à quel point ma pulsion de mort s’accentue en pensant à toi.

Je réécoute les albums des Smashing Pumpkins, pour me rappeler l’Université de Montréal, me souvenir du froid qui a poussé en moi à cette étrange époque de ma vie. Ça ne fait que deux ans, et pourtant c’est loin. J’ai tout fait pour oublier, ta petite bouille d’enfant gâtée en céramique. Ça m’a surpris quand tu m’as parlé de la fille aux cheveux mauves que j’avais dessinée. Te les avais-je montrés, ces dessins du Naufragé? Ou as-tu juste fouillé en moi pour les trouver? Dans les deux cas, je reste sur le cul… J’étais tellement gaga pour toi; te montrer ça aurait voulu dire que j’étais prêt à être humilié au centuple… Encore, j’essaie de me contrôler, mais tu réussis à percer la membrane d’indifférence que j’essaie de plugger dans mon ampli brisé. Tes mots minous résonnent, et ça m’énerve. Si seulement tu pouvais la fermer. Être distante et froide, comme l’escorte avec qui j’avais un cours, la session passée… Une grosse enseigne : « I’m too hot for you, forget it. Just forget it », souligné par un pfff de dégoût. God qu’elle se laissait regarder juste pour montrer à quel point personne ne pouvait y goûter. Le message est clair. Très loin de toi.

J’ai hâte d’arriver à Martha, au moment où la guit démolit toute la mélancolie, et que tout devient « screw you, j’vais passer à travers, sans toi. » Si ça peut marcher avec le Soleil, ça va réussir avec le nuage mauve que tu es.