dimanche 25 juillet 2010

Gravier

Il y a eu un temps où tout ce que je souhaitais faire, comme métier, c'était de poser de l'asphalte neuve.
En posant de la gravelle par-ci, par-là, le sourire plein la tête... J'aimerais tant pouvoir me foutre de ce qui m'arrive tout le temps et juste mettre du ciment de temps en temps. Toutes ces petites roches fondues qui forment un tout, qui brillent par moment, oubliées tout le temps.

C'est ridicule, quand on y pense... D'habitude, on se sent poète en voyant de la nature et de la verdure. Moi c'est en regardant l'asphalte que je me sens poète. En fait, ça n'arrive que dans certains moments, quand les pensées deviennent trop lourdes. On se remplie de faux espoirs, on les tue, on en subit les conséquences et puis on espère se remettre sur pied.

Puis. Rien. Ou du moins pas grand chose. On remonte une petite pente, on feint un sourire, on sort, on boit. La fille au comptoir du bar est cute, celle qui est sur le stage, avec la grosse monture de lunette est encore plus mignonne. Et c'est fini, on remballe.

J'vais finir sur les routes, à refaire le pavé. À défaut d'avoir pavé ma vie de bonnes actions et de bonnes intentions. J'veux dev'nir gravier.


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jeudi 15 juillet 2010

Ta mère ne reviendra pas ce soir

La première chose que tu risques de penser, c'est ce que la plupart des enfants se demande: "Est-ce que c'est de ma faute?" Ce n'est pas le cas, ma chère Justine. Le conflit était entre ta mère et moi. Nous avions deux visions différentes de la vie, et rester ensemble n'aurait qu'assombri ton avenir.

Ce que je souhaitais te donner, c'était une vie vertueuse, simple et loin de la pollution mentale. J'ai fait l'erreur d'avoir penser que j'étais mieux pour t'éduquer. Enfin... c'est toi qui me le dira. Vois-tu, pendant longtemps, dans ma jeunesse, j'avais cette petite sœur que je m'étais inventée et qui s'appelait Phoebe. Le même nom que la sœur d'Holden Caulfield. Je voulais avoir une fille aussi brillante et douce qu'elle.

Voici l'évolution de la fille que j'aurais souhaité avoir:


À un an, Justine avait tout d'un ange. Sa teinte blonde, son regard rempli d'émerveillement, ses petites mains qui trouvent leur confort dans mes mains... Elle ne pleurait jamais, mais avait quelques fois ce regard un peu triste lorsqu'elle sentait qu'une tierce personne passait une mauvaise passe. Elle était toujours là pour réconforter qui que ce soit.

...
À quatre et cinq ans... Ma petite princesse. Elle avait tout ce qu'un enfant aurait pu souhaiter: des costumes et des amis pour jouer avec elle, c'était tout ce dont elle avait besoin. Malgré le fait que je l'aie tirée des griffes de sa mère, jamais elle ne s'est plaind. Elle a grandi si vite... Elle posait des questions tous les soirs, sur tout et rien. Au moment d'arriver à la maternelle du village, une question est arrivée: qu'est-ce que c'est que la télévision? Et moi de répondre: "C'est une fenêtre qui donne autant sur le monde du bien que du mal. Il faut que tu fasses la part de la réalité et de la fiction. Elle peut te faire rêver, mais ces rêves peuvent t'empoisonner. Elle peut t'informer, mais toute information n'est pas nécessairement bonne à savoir. Une chose est sûre, ma petite Justine d'amour, c'est qu'elle ne te donnera jamais autant d'amour et de joies que ton père ou tes amis."
Je me suis senti mal à l'idée de la priver de quelque chose que tout le monde possède, dont tout le monde parle, mais il fallait faire la part des choses. Je ne voulais pas que ma fille soit éduquée par la télé et ses références sexuelles, ses déviances malsaines de voyeurisme, et ses informations erronées. Je fais autant confiance à Paris Hilton et ses shows merdiques que Mickey Mouse.
Oui j'étais parano.


Rendu à 9 ans, Justine est devenue aussi mature qu'une jeune adulte tel qu'on en voit peu ces jours-ci. Elle comprend les choix que j'ai fait pour elle. Lors d'une semaine de camping, elle s'est fait un copain qui aurait aimé faire certaines choses... Elle m'a dit qu'elle avait refusé, qu'elle ne souhaitait qu'être amie avec lui et ne pas se soumettre à ses demandes juste sous prétexte qu'il "l'aimait bien". Justine s'est mise à lire jour et nuit; des trucs que j'avais écrits, tout comme des livres sur la spiritualité et l'éducation aux enfants. Je pense qu'elle souhaitait devenir professeur. Elle jouait souvent à faire la classe à ses amis ou à ses peluches, plus jeune.
Elle a commencé à devenir plus indépendante, à moins se coller à moi...

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Justine est l'enfant idéal, dans ce sens que je ne la vois pas vieillir autrement que dans la raison, la vertu, et la dignité. Pleine d'amour sans être constamment en besoin d'affection. Respectueuse envers ses pairs et ses aînés. Joyeuse sans être hyper-active. Un âme et un visage d'ange.

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Ta mère aurait préféré t'élever dans un environnement rempli de choses qui privent la vertu de s'élaborer. Elle t'aurait laisser avec d'autres enfants dont le cœur aurait été pourri par la jalousie, la haine et la violence. Elle voulait que tu sois comme les autres, gagnée par la facilité, la paresse... Ce n'est pas ce qu'elle a dit, mais c'est ainsi que je la voyais. Ta mère a passé à travers bien de dures épreuves, elle s'est aussi battue pour ses droits, mais elle luttait pour des idées qui n'avaient aucun sens et qui ne menaient nulle part. Non pas que je sois un conservateur de droite; je dis juste que de traiter de sujet comme de vivre en appartement, ou parler de sexualité, à une enfant de 4 ans, je trouve cette idée complètement ridicule et insensée. Bref, sa vision libertine de la vie, je l'ai en horreur. C'est pourquoi je t'ai éloignée d'elle.

J'espère qu'un jour, tu me pardonneras.

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3 août 2010, 18h10

samedi 3 juillet 2010

Et j'aime te savoir proche (samedi 3 juillet 2010, 23h55)

Il est bientôt minuit, et la bouteille vide traîne encore sur le comptoir. C'est ma bouteille et je ne veux pas que son chum la voit. Je sais que c'est minuscule comme détail si on compare à ce qu'on vient de faire, mais tout de même, c'est un détail qui me tape sur les nerfs... Et je la regarde, sa tête sur mes cuisses, et j'ai envie de faire rewind. Soit pour oublier, soit pour recommencer...

En remettant mon linge, l'image de son copain qui nous découvre me hante. Elle, encore sous l'effet du vin, me dit de ne pas m'en faire, qu'il est encore trop tôt pour qu'il revienne de je ne sais où. Le goût amer me revient en bouche, je ne sais plus quoi penser. En fait, je suis simplement bien l'instant d'une seconde. L'air chaud circule dans tout l'appartement. Au loin on entend des sirènes de polices et d'ambulances. Le froid reprend. Qu'ai-je fais? Je me lève d'un bond, passe au salon pour récupérer mon sac, puis à la cuisine pour prendre la bouteille et la mettre dans la poubelle. En retournant en vitesse dans la chambre, je lui dis que c'est une erreur et qu'il vaut mieux oublier. Et voilà qu'arrive le problème du transport. On est à Lachenaie et c'est elle qui m'a lifté. Je n'ai aucune idée comment revenir chez moi par mes propres moyens et il est hors de question qu'elle conduise dans cet état.

Ça sent la transpiration malsaine dans l'appartement, et je ne peux plus le supporter, alors je sors.

---Rewind

Elle, encore sous l'effet du vin, me dit de ne pas m'en faire...

-------------Rewind

On vient de passer le pont. Il n'y a aucun moyen de parler, la musique est trop forte et me remet en tête des images trop dures, des souvenirs d'une période désagréable de ma vie. Je n'en parle pas, je préfère garder une bonne ambiance. À quelques moments, on échange des mots vides à propos de l'été et de futurs projets, de voyages et d'amis. Le sujet finit par sortir de ma bouche: "Ton chum sait que t'as un projet ce soir?" Elle me dit ouvertement qu'elle lui a dit tous les détails, qu'elle ne voit pas ce que cela change et qu'elle a droit de souper avec qui elle veut. "C'est sûr qu'yé un peu jaloux, mais c'est juste parce qu'il te connais pas." Génial... Ça veut dire: "Ya pas à avoir peur d'un microbe comme toi, t'es innocent et tu n'as aucune chance anyway." Je préfère fixer mes genoux et faire un sourire faux nez. Il vaut mieux ne pas regarder ses cheveux blonds et roux...

Nous arrivons enfin dans un petit quartier résidentiel. Terminus, tout le monde descend de la voiture, et nous montons au troisième étage du bloc brun. À l'intérieur, tout est orange et jaune, avec une décoration de jeune étudiante pseudo-zen: coussins en toile, récipient à encens, etcetera. J'essaie de ne pas rire, mais la tentation est trop forte et je lui lance une vanne minable du genre: "Tu fais pas de l'insomnie avec tout ce soleil plein la tête?!" De la cuisine, au fond de l'appart, elle revient tranquillement, avec le gros sourire sur son visage, passe à côté de moi et me flanque une grosse bine sur l'épaule.

Pendant le souper, les seuls trucs qu'on trouve à dire c'est à propos des pâtes qu'on mange. Pour blaguer, je passe mon temps à dire qu'elle savourerait plus son repas si j'y mettais un peu de ma sauce maison. Le temps passe, et les discussions sur nos projets étirent à leur fin. On se dirige vers le salon pour relaxer sur un sofa moelleux plutôt que sur un chaise en bois rigide. J'ai bu un peu plus qu'elle, je crois, mais c'est elle qui sort le plus de conneries. Elle me fait des remarques sur ma charpente frêle, sur mon manque de goût en matière de nourriture et d'autres trucs qui me foutent la honte. J'essaie de changer de sujet en lui disant que j'aurais dû apporter un disque de Barry White. "Ça t'aurait fermé la gueule et on passerait aux choses plus sérieuses!" Elle fait sa tête de vexée, la bouche grande ouverte, le sourire dans les yeux. "T'es tellement vulgaire! J'en reviens pas!" Et moi d'en profiter pendant qu'elle a la bouche ouverte pour mimer de lui mettre un doigt dans la bouche. Elle tape aussitôt ma main violemment, et on commence à se taper dessus.

Mon côté garçon polisson embarque. J'en profite pour mettre mes mains rapidement aux endroits "réservés aux adultes". Elle me traite de pervers tout en continuant à rire comme une dingue. Son corps sonné par l'alcool tombe sur le côté, sur le sofa, et je fais semblant de tomber sur elle en continuant le duel, de façon plus douce. Les petites tapes sur la tête deviennent des caresses dans ses cheveux. Ses yeux croisent mon regard. J'ai le malheur de souffler dans sa direction mon haleine d'épuisement, d'ivrogne et de fumeur. Elle plisse le front, ferme les yeux et s'étouffe. Elle me repousse aussitôt et se lève en disant qu'elle doit aller à la toilette.
Cette fois, c'est la fin. Au moins, j'ai pu profiter de quelques touchés olé. Ma tête cogne et je sens venir les cris et les hurlements de ma jeune amie. Tant pis. La seule pensée qui me vient en tête en pensant à sa réaction lente, c'est: "ah la cochonne!". Et puis la conscience revient, le malaise me prend et le meilleur moyen de sortir de ma tête est d'aller dehors et fumer une cigarette.

Je remarque que le bord du filtre est rouge. Je n'arrive pas à savoir si c'est son rouge à lèvres ou le vin... L'ai-je embrassé? Mes idées se tassent et je n'arrive pas à penser clairement. Je me mets à voir des images d'une banlieue lointaine, dans mon enfance. Des kilomètres de blocs appartement avec un terrain de baseball... Mes cousins... Des montgolfières... Plus j'y pense, plus j'ai les larmes aux yeux tellement je n'y comprends rien. Ces vieux souvenirs... -----FastForward
J'ai la tête entre ses cuisses et je l'em....-------Rewind
Je sors pour fumer. La seule source de lumière sont les lampadaires. On dirait que tous les voisins sont partis. Je regarde l'heure sur mon cell. 23h30. Je regarde le ciel couvert, mais le vertige me prend et une fois de plus, je fixe mes genoux. Ma cigarette s'éteint d'elle-même. Puis, je l'entends dire: "yé passé où, lui?". Je jette mon restant de clope en bas et rentre illico, le pas un brin chancelant. "Ferme la porte" dit-elle. Je la vois sortir du salon. Elle aussi est affectée par l'alcool. Sa démarche fragile, sa main dans les cheveux, les paupières closes, accotée contre le cadre du portique. Ses christie de cheveux blonds, vaguement ébouriffés.
Je l'embrasse.
Elle se recule tout en se gardant appuie sur mon épaule. Je la prend dans mes bras, lui dis que je ne peux plus résister, et l'embrasse à nouveau. Cette fois, elle se laisse faire. Je l'embrasse derrière l'oreille pendant que je caresse son dos, en baissant légèrement vers le bas. À nouveau, elle me repousse et évoque la défense "Mon chum va arriver". T'avais qu'à pas mettre un parfum aussi divin, ma beauté. Je ne sais même pas si j'ai dit ça à voix haute... Elle gémit.
Elle m'amène à sa chambre. Leur chambre.--------------Fast Forward!!!

Il est bientôt minuit, et la bouteille vide traîne encore sur le comptoir. C'est ma bouteille et je ne veux pas que son chum la voit. Je sais que c'est minuscule comme détail si on compare à ce qu'on vient de faire, mais tout de même, c'est un détail qui me tape sur les nerfs... Et je la regarde, sa tête sur mes cuisses, et j'ai envie de faire rewind. Soit pour oublier, soit pour recommencer...
Mais ce qui me vient en tête, maintenant c'est de voir à quelle point elle est belle, sauvage et mignonne à la fois... Et je pense à tout ce que je lui ai dit, dans ma tête, depuis que je la connais. Tous les petits bonheurs que tu m'as apportés, les bons et les mauvais coups, les malheurs aussi. Les souffrances de tes absences dans ma vie. J'aime penser que ce n'est pas une erreur, ce soir, de t'avoir vue. J'aime ta peau, ton odeur, tes yeux cristallins et tes cheveux de feu.

Et j'aime te savoir proche.


Mais s'il te plaît... Laisse-moi t'oublier une bonne fois pour de bon. Brise-moi le cœur et dis-moi de ne plus jamais te revoir. Que je puisse enfin faire le deuil d'un bonheur irréaliste que je ne veux pas. Je veux être en paix avec moi-même, et finir avec moi-même.
Même si j'aime te savoir proche.
--------------------------------------------------------FastFast Forward, s'il vous plaît...

Samedi 3 juillet 2010, 23h53