lundi 10 octobre 2011

10 oct - On ne peut pas toujours plaire au voisin

"Ton problème, c'est que tu réfléchies trop"
"Ouais mais j'aime ça, me casser la tête"

Avec lui, ça finit toujours par arriver. Autour d'une bière ou même par texto, dernièrement, on s'engueule amicalement sur nos différentes vision de la création, de la réflexion, qui sont finalement pas si lointaines. Chacun décrit des moments troubles, parfois même horribles de la vie, mais c'est notre façon de décrire ces horreurs de la banalité quotidienne qui nous écarte. Je préfère laisser le narrateur à son propre sort, dans un décor pitoyable et laisser le récit s'expliquer de lui-même, alors que lui y appose directement son jugement, sa propre psychanalyse intégrée au texte. Alors, je lui reproche de ne pas faire confiance à l'intelligence du lecteur, de trop réfléchir, tandis que lui s'amuse à me pointer du doigt, moi, qui tente de faire pitié, d'être tristrrre sans aucun fond, et ainsi de suite.

C'est le même principe pour le cinéma, ou pour n'importe quel autre domaine. Par exemple, vivre en société. Ça va toujours revenir à "On ne peut pas toujours plaire au voisin". Dans le domaine de l'audio-visuel, l'exercice le plus intéressant qui m'aie été donné ever, c'était l'essai 4 et [fraction] (en fonction du nombre de personnes qui avaient un produit final). Le but était de déplaire le plus de gens possibles. Être bruyant? Pas nécessairement; un silence de 30 minutes peut être plus insupportable que n'importe quel amalgame de mitraillettes. De toute façon, les gens aujourd'hui (hier, plutôt) danse sur du beat qui gueule "Vous êtes des animaux. Vous allez crever". Pour plaire, il y a tant de critères pré-établis... mais pour être détesté, quels sont-ils, ces critères?

Personnellement, je rage quand quelqu'un (qui n'a clairement aucune conception d'une bonne œuvre) se proclame cinéaste, ou écrivain. Il ne produit que des merdes insipides et se félicite d'avoir un beau rack focus, ou une belle phrase poétique en plein milieu d'une scène de piscine. Personnellement, je préfère me dire vidéaste et blogueur qu'autre chose, ne pas prétendre à ce que je ne suis pas, et perfectionner ces deux "sous-classes", que je ne considère en rien inférieures aux deux autres nommées plus haut. Non je n'ai pas présenté mon Naufragé à la Cinémathèque, ni publier le récit. Parce que ces médiums ne sont pas sur le même palier que moi. Mon film a été fait pour être regardé dans un sous-sol avec un cendrier pas trop loin, une dizaine de personnes, et de la bière en masse. Mon blog est là pour réfléchir deux ou trois minutes, ressentir quelque chose, puis continuer. "Intolérance", je l'avais fait pour déranger, pour être mal à l'aise. Et finalement? Tout le monde l'a aimé, à travers les malaises, les interrogations...
Comme quoi, provoquer pour provoquer, ce n'est pas la solution. Il faut scruter, gruger la psyché de la masse, trouver ce qui écorche chaque personne, l'utiliser et le montrer. À mon avis, c'est ce qu'a fait Harmony Korine dans "Trash Humpers". Trois êtres, ou créatures à forme humaine, se déchaînent dans une banlieue, fredonne une chanson troublante, crient, rient. Sont 'eerie'. Ça dérange, en même temps que ça fait rire, même devant un groupe aussi étrangement apeurant. Et encore là, pas besoin de la caméra pellicule, ni du HD. Il tourne avec de la vieille bande magnétique qu'on croirait sortie directement d'une poubelle. Et toute la magie s'y crée. Voilà l'alignement entre forme et contenu. Pas besoin d'expliquer ces créatures, leurs actions sont présentées, ne reste qu'à comprendre soi-même "où ça s'en va, c'te bebitte-là". C'est la force de la distanciation auteur-narrateur, le dépassement de soi dont on parle tant en théorie d'écriture.

TL;DR : cessez de vouloir plaire, en vous plantant constamment; assumez votre niveau, perfectionnez-le, dérangez. Déranger fait plus bouger les choses que de parler de puppies et de la nature (salut Coldplay).

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire