dimanche 23 octobre 2011

22 oct - Les junkies d'en haut



Une heure du matin, thump. Le landlord a tué le couple de junkies qui se battaient en haut. J’ai entendu les corps tomber juste au dessus de ma tête de petit Iroquois de vingt-trois ans. Il règle ses comptes à coup de thump, et moi qui essaie de dormir après quatre heures à écouter sa femme me raconter sa vie, ses allers à l’hôpital, sa dépression, sa relation houleuse avec son mari, devant un jeune qui cachait ses bâillements par respect, fumant à tout vent juste pour l’accompagner, sans montrer de signes de la vessie faiblissant ou du vent qui rentre par la vieille porte en bois et gèle tout l’appartement. De ma chambre sans porte, je l’aperçois rentrer avec sa pelle que je devine rouge, maculé de sang, et espère que les junkies n’étaient pas des natifs comme moi. Il me faut sauver ma peau avant qu’il ne m’arrive pareille histoire.

Le couic de la chaise m’indique qu’il boude au salon, et au-dessus le plancher craque, résonnance des deux corps en spasmes de l’agonie, fracture aux crânes, les phalanges recourbées jusqu’à faire couler le dernier sang de leurs paumes. Les mouches au fond du garde-robe brisé sortent déjà et passent par le trou où devrait se trouver une ampoule, au-dessus de ma tête. Je dois quitter au plus tôt.

La femme me racontait qu’ils travaillaient aux heures de bars, que la fille était probablement barmaid, et que le gars ramassait les bouteilles pour se faire un fond. Personne ne parlait de drogue, mais ça se regardait trop à côté pour ne pas le penser. La fille jasait avec les garçons en visite comme moi, mais pas exactement comme moi, pour leur demander du fric et s’acheter un petit sachet blanc, et personne n’en parlait, parce que ça aurait fait jaser le voisinage, mais le landlord, lui, le savait. Plus jeune, il avait assez donné dans ce domaine, il les reconnaissait, les morts-vivants. Père de deux enfants d’une femme avec qui il a divorcé, eux-mêmes parents de deux ou trois enfant, puis en couple avec une jeune femme de 46 ans, il trouvait les siens en un regard pour leur flanquer un bon thump de pelle si jamais le son des junkies du deuxième résonnait dans leur quatre et demi dont une porte avait été arrachée pour me laisser cette chambre où j’essayais de dormir à une heure du matin après quatre heures ou plus d’explication de la vie par la femme de 46 ans ou plus qui m’avait donné tous les détails de sa vie sans que jamais je ne place un mot, si ce n’était que pour acquiescer ou pour proposer mon briquet lorsque le sien faisait défaut. Et j’avais peur qu’on me foute dehors, à coup de thump.

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