Ce matin, mon frère revient de son camp scout. Ma mère insiste pour que je mette ma casquette pour me protéger du soleil, mais je refuse systématiquement de faire ce qu'elle souhaite. Elle fait une drôle de tête quand elle abandonne. Moi, ça me fait rire.
On monte en voiture pour se rendre au Petit Prince. Le monde défile, de l'autre côté de la fenêtre. Toutes ces images qui passent vite, ça me rend heureux.
On est déjà arrivé. Papa me sort de mon siège, et nous marchons ensemble au centre du stationnement. Il y a plein de gens, mais surtout des adultes, et peu d'enfants avec qui jouer. Pour passer le temps, je tape dans mes mains, je sautille et je donne des coups sur les jambes de papa. J'en ai assez d'attendre, je veux m'amuser... Alors je saute encore, sur place. Plus je suis haut, plus je rigole quand papa me rattrape dans les airs. Il n'y a que moi qui se bat contre la gravité, et j'adooore ça! Encore et encore, j'essaie de me rendre à la hauteur des adultes. Le monde tourne autour de moi. Je me sens plus puissant que la Terre, encore plus que Superman!
Aller, hop! Un autre saut! Cette fois-ci je vais l'avoir, la.....AAAAAAhhhhhhhh!!!
J'ai mal à la tête! J'ai fait une chute de dix mètres, c'est sûr! Ça saigne, je le sens sur ma tête. La Terre a balancé à l'envers juste pour me tuer! ... et papa n'était pas là pour me rattraper... Mais où il est? Tout est flou, je pleure, je ne comprend rien, je veux ma mère. Je sens que des personnes s'approchent de moi. J'entends: "Jean?! Es-tu correct? Veux-tu qu'on aille à l'hôpital?" Je reconnais la voix de ma mère. Je vois mieux: mon père est à côté, avec Laurent qui vient d'arriver dans l'autobus jaune. J'ai maaal à la tête, ça chauffe! On ne me prend même pas dans les bras, on me fait marcher à la voiture! Mais vous êtes tous cons? Je suis en train de mourir, moi!!!
La voiture s'arrête enfin. Je ne veux pas aller à l'hôpital. C'est blanc et ça pue... Ah, non, on est chez nous... MAIS JE MEURS, MOI! IL FAUT ME SOIGNER!
Pourquoi tu ne m'as pas rattrapé, papa?
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Je ne suis pas encore saoul, mais l'envie n'est pas loin; je fini un travail sur Salinger, et, comme à tous mes contacts de proche ou de loin avec lui, j'ai une envie irrésistible de bourbon. J'imprime les douze pages, les broche, les range dans mon sac, puis me faufile sous les draps froids de mon lit. Le cœur battant à 120 mile à l'heure, j'ai les yeux grands ouverts. Impossible de dormir, j'ai trop la forme. En écoutant un album des Smashing, je me tourne d'un côté puis de l'autre sur le matelas dur.
Et je glisse une main sous mon oreille, le bout de mes doigts touchant la cicatrice à l'arrière de mon crâne...
Comprends donc enfin ce qu'elle représente réellement, cette bosse... "Tes parents ne seront pas toujours là pour te rattraper." Les yeux grands ouverts, embrouillés; je les ferme, une larme coule. "Tu as enfin compris."
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JD
16 déc. 2010, 18h24
jeudi 16 décembre 2010
16 déc - Petit cri de loin
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