dimanche 19 décembre 2010

19 déc - Prenez un siège

Ce qui suit est la retranscription des notes du Dr Hemerzwaltz Jones, durant une consultation avec un patient régulier.

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Le patient Olaf a encore ses pantoufles au pied. Décidément, notre dernière consultation n'a rien réglé. Il n'arrive même pas à fermer la porte; nous la laisserons ouverte pendant la séance pour qu'il se sente assez aéré. Son asthme a empiré: il possède maintenant deux pompes. Vérifier si elles sont légales...

Rêve du patient: il se trouve dans une grande maison aux allures antiques, puis décide d'ouvrir une porte. Dans la chambre, une connaissance de son établissement scolaire est étendue nue sur un divan de velours rouge tandis qu'une seconde femme fait son portrait au crayon de plomb et qu'une tierce dame se tient au fond de la chambre, regardant la scène. Le patient se dit troublé autant par la nudité de la jeune femme qu'il connait que par le soucis du détail dans le portrait dessiné. Le rêve se poursuit dans les corridors de cette école, lorsque cette même dame, maintenant habillée (tente-t-il de me cacher s'il y a eu coït?), lui propose de mettre ses articles dans son casier. Beaucoup d'accent sur le fait suivant: il devient excité à l'idée que son manteau porterait l'odeur de sa jeune amie, suite à cette "colocation". Encore un blanc ici avant la nouvelle scène. Il se trouve à présent dans un appartement où sont réunis plusieurs personnes de sa promotion. Son amie semble être devenue entre temps sa copine.

Verdict premier: le patient Olaf délire consciemment et cela se perdure durant son sommeil. La ligne entre le rêve et la réalité devient plus confuse, dans sa tête. Je lui prescrit en premier lieu une lecture essentielle (un essai écrit par un collègue, le Dr Bryzinsky: "L'amour, le couple, et le bonheur à deux: foutaise surévaluée"). Le patient réagit brusquement (changement de persona): il se dit romantique et croit au bonheur. Agir vite.

La seringue d'air l'a calmé un peu. Je profite de ce moment de silence pour noter la réaction de ses pupilles lorsque je dis quelque mots à la volée: "goudron" (réaction: aucune), "whiskey" (réaction: agitée. Je lui en propose un verre; il accepte gentiment), "vulve" (réaction: pupille livide. Peut-être gai.), "pompe à pénis" (réaction: grimace. Peut-être pas, alors...), "anal" (réaction: les pupilles redeviennent brunes. Définitivement pas gai; peut-être scatophile, alors.), "étron" (réaction: j'ai rapidement mis la bassine devant sa bouche avant qu'il ne vomisse), "bas filet" (réaction: rien au niveau de yeux), "fourrure" (réaction: les pupilles passent du rouge au bleu à or), "cinéma" (réaction: je n'ai pas eu à bouger la bassine. Cette fois, elle est bien remplie.)

J'attends qu'il revienne de ses émotions avant de poursuivre la session. Je lui fais comprendre que sa pauvre alimentation n'est pas à la base de ses problèmes de comportement. Olaf doit cesser tout contact avec la gente féminine, après leur avoir chacune demandé de passer à mon cabinet. Je lui suggère une petite pièce isolée, capitonnée, à quelques minutes seulement de marche de l'établissement.
Note personnelle: ne pas lui laisser de quoi écrire, question qu'il ne puisse pas retranscrire la Bible sur les murs de sa cellule.

Au moment de quitter, il me laisse une petite poupée en pendentif. Il donne trop d'importance aux objets et ce qu'ils pourraient représenter (dans ce cas précis, la poupée rendrait le sommeil plus léger). J'accepte seulement pour lui enlever un poids supplémentaire.
C'est en fait la seule chose qui semble le rendre heureux: donner une possession importante pour lui à une autre personne. Il faudra se pencher sur cet aspect lors d'une future rencontre.
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©Dr Hemerzwaltz Jones, 1979

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