On descend de la voiture. Mon père veut me montrer la salle où il pratique. Tandis que nous entrons par la porte du sous-sol, il discute avec un autre célébrant. Un vieux de la vieille que je reconnais depuis que je suis tout petit. L'entrée est percutante. Je sens tous ses yeux se poser sur moi. "Je ne suis pas digne, je ne suis pas digne, je ne suis pas digne..." Rien n'a changé... Tout est identique: les formes, l'escalier, le cabinet de téléphone, les corridors, les couleurs. Le sous-sol où mon frère et moi jouions en attendant. Attendant quoi, je ne sais plus. On monte les marches, passe à côté de la porte menant à l'assemblée en pleine célébration, on traverse un long corridor, rien n'a changé. Y vit une ambiance, une lumière douce et pourtant quelque peu amère. Et pourtant quelque peu réconfortante.
Bref, une place où je me suis toujours senti comme un enfant qui s'amuse dans un lieu sinistre rempli d'adultes qui travaillent, qui ont la gueule livide, qui ne veulent pas voir un gosse de 20 ans trainer ailleurs que dans l'assemblée. Ces lieux sont empreints d'une âme douce, protégée par des gens sans âme. Ils bougent, les yeux fixés au sol, les bajoues qui ballottent, les bras qui pendent.
On arrive enfin à la salle de pratique pour la chorale. Seule, au piano, une jeune femme, frêle et petite tresse. Mon père me présente la cheftaine du groupe. Petite voix presque cassée, soulignée d'un minuscule accent français. Rien n'est prononcée chez elle, tout est en subtilité. Mais son sourire radieux, l'énergie, la pureté...
-Mon fils voudrait prendre des photos de la pratique. Ça ne vous dérangerait pas?
-...Seulement si c'est de Belles Photos, alors! Hihi!
Toute ma réalité chavire. Sa présence illumine tous les coins obscures du bâtiment.
Dear sir, I believe you speak through her. You shine through her whole existence.
Je repars afin de retrouver les autres qui fument dehors. J'ai les yeux gros, le cœur lessivé, et une peur terrible de retourner à l'intérieur. Je ne suis pas digne de te recevoir... Je suis parti trop longtemps, je ne suis plus digne de te revoir dans ta maison... Et pourtant, on n'attend pas que l'enfant s'en remettre; on rentre à nouveau. Quelques photos ici et là du sous-sol, pour garder ces souvenirs à jamais sur image. Mais sans les enfants, ce n'est plus le même esprit. Quelques minutes passent, tout comme plusieurs autres participants de la chorale. Ils devraient bientôt commencer à pratiquer, mais je n'ose pas partir tout de suite. Je ressors fumer, rentre à nouveau, et tente de visiter un peu les lieux. Encore ici et là, quelques clichés rapides, je ne veux pas me faire repérer. Difficile pour le mec dont les bottes font scouic scouic. Surtout quand un vieux papi arrive dans le même corridor, qui s'approche, s'approche, s'approche, qui passe, qui continue sa route. Un autre au regard perdu, presque sauvage. "Qu'est-ce que vous cherchez?" j'entends dans ma tête. "Je me promène... Je ne prenais pas de photo de vous, hein. N'ayez crainte" j'essaie de me dire. Leur silence est plus pénible que s'ils m'abordaient directement.
The ceremony is about to begin.
Dear sir, will you give me the power?
Shall I enter your Realm?
Je fini par aller dans la salle de répétition. Elle est déjà terminée... Pourtant, je suis passé à 22h et y'avait toujours rien, et il est à peine 15 minutes plus tard... Oh well. Je suis mon père jusqu'à l'assemblée et m'installe aux côtés de ma mère. Ça y est; no more pretty pictures. Tout est là, pour les yeux. Et pour les oreilles surtout.
Les chants... C'est la première fois que ma voix se laisse emporter. Tout s'envole vers le ciel étoilé. Tous participent, pourquoi pas moi. Et ma voix, je la perçois comme celle de mon père, quand je l'entendais, tout jeune; grave, sans être sombre, puissante. Une profonde joie en ressort. La timidité revient lorsque vient le temps de donner la communion. Première fois depuis près de dix ans. Dois-je regarder l'assemblée? La table? Ma feuille de chant? Tout est confus. Le passé, le futur...
Oh, dear sir
It went oh so well.
Les paroles me reviennent avec tant de facilité, c'en est presque déroutant.
Et pourtant, malgré le temps qui est passé si vite, j'en ressort encore troublé, sans réponse.
Tout ça n'a pas de sens...
samedi 25 décembre 2010
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