jeudi 6 mai 2010

Séjour (jeudi 6 mai)

Mon frère et moi sommes à l'aéroport Charles-de-Gaulle. La chaleur est suffocante, et évidemment, mon mouchoir est dans la valise... Tout est embrouillé à travers mes lunettes que j'enlève pour nettoyer. Trente minutes plus tard, on réussit à récupérer nos bagages. Direction le treizième arrondissement en taxi. Je sors le blackberry pour retrouver l'adresse, en espérant que le chauffeur ne nous parle pas trop. Je crève de chaleur, mais il faut que je reste éveillé. Même à trente-trois ans, Laurent dort toujours en voiture... Le panorama et le vent m'aide à passer au travers: les images sont identiques à tous les classiques auxquels le paternel m'a initié. En bref, on croirait revivre la scène du taxi dans Cléo.

Nous y voici. 41, rue du Moulinet. La rue est étroite et nos deux valises, pourtant petites, semblent prendre tout l'espace... Pas de sonnette, il faut cogner...

-Oui?
C'est une vieille dame, probablement la proprio. Les cheveux en chignon, un tablier autour de la taille, la vieille sent les épices à nous en faire pleurer.

-Oui bonjour, on est les fils à Germain. Monsieur Derome? Est-ce qu'il est présent?
-Ahh oui! Les p'tits du Québec! Entrez! M. Derome est parti chercher son journal, il devrait être de retour d'ici peu. Entrez, je vous en prie.
-Vous zavez tu l'air climatisé? demande mon frère. Pask'y fa' chaud en crisse dehors, en tout cas.
-Pardon?
-Ah écoutez le pas, il délire. C'est la chaleur... Avez-vous un ventilateur ou quelque chose de semblable?
-Votre père en a un chez lui. Je vous emmène, ou vous souhaitez l'attendre en bas?
-Moi j'y va, précipite mon frère.

Il suit la bonne femme avant que j'ai le temps de dire un mot, alors je ferme la porte derrière moi et les suis. Au moment où on est rendu au premier pallier, la porte s'ouvre à nouveau. Le crâne luisant, une petite chemise blanche, le Monde écrasé sous son bras...

-Bon, c'est là que t'arrive, toi! je lance, en redescendant les marches plus vite qu'en les montant. Je prends mon père dans les bras alors qu'il lève la tête. Son rire surpris est contagieux, et Laurent descend aussi pour lui serrer la main.

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-Ça m'auras tout pris pour convaincre le frère de lâcher son fichu garage, mais j'pense que ça en vaut la peine. Même si c'est pas tout le monde qui apprécie le paysage, on est quand même là pour te voir, alors ça fait du bien.
-Comment vous trouvez ça, ici? C'est bien non? Bon, j'ai pas la vue sur la Place d'Italie, mais c'est tout de même vraiment bien. Tout est proche.
-J'peux fumer?
-Ouvre la fenêtre, s'il-te-plaît... Tiens, j'vais vous en faire profiter aussi... Avez-vous déjà essayé la pipe, les gars?

J'en reviens pas... Il nous sort sa vieille pipe qu'il allume aussitôt, puis me la passe. "Je pensais que t'avais arrêté le tabac" je sors, en inspirant la fumée. "Juste quand Natalie est là" que le père répond avec le sourire aux lèvres.

-En fait, si on est venu plus tôt que prévu... J'imagine que tu dois t'en douter. C'est votre...
-Écoute Jean, à tous les mois, j'envoie des chèques à ta mère. Tu peux pas me demander de...
-Laisse-moi parler, p'pa. C'est votre 35e anniversaire à toi et m'man. Tout ce qu'elle veut, c'est un message sympathique de ta part. Peut-être un vidéo, ou... un p'tit tête à tête.
-Vous l'avez pas emmener avec vous?!
-Mais non! Est pas là, ok! Veux-tu bien te calmer...

Je me lève et rejoint mon frère qui quitte la fenêtre. Je sors une cigarette et l'allume. Assis sur le rebord, je regarde en bas... le vertige... Pourquoi ils l'ont installé au quatrième? Rendu à 72 ans, le vieux a peut-être de la difficulté à se rendre en haut tous les jours...

-Les gars, je vous ai déjà dit: ma vie, c'est ici maintenant. Rien ne va me faire revenir et vous le savez pertinemment.

Le silence revient. Le père se redresse et nous conduit à notre chambre. Mon frère me regarde et me dit: "Je savais qu'y s'en crisserait. J'te l'avais dit." Et moi de lui répondre qu'on a encore une semaine pour le convaincre. En espérant que ce soit suffisant...


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JD
Jeudi 6 mai, 17h00

2 commentaires:

  1. Cest bizzare, mais me semble que je lai deja lu celui-la!

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  2. Disons que c'est la "suite à long terme" d'un autre post... mais rien que j'pense déjà avoir écrit... T'as déjà lu le reste, anon?

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