La nuit, tout ce qui flashe, c'est l'écran de l'ordi et le disque externe. Mes yeux sont vitreux, et je n'ai rien d'autre à faire que de loader mille et un fichier. La baie des pirates. Jour et nuit je vogue, en dérive permanante sur mon radeau... Je ne sais plus vraiment si tout ça est bien réel, ou si c'est ma Second Life qui prend le dessus, si c'est l'été ou l'hiver... J'ai bu une choppe de café bien tassé dans le corps il y a bientot 10 ou 11 heures... Et l'effet est toujours présent. Après le boulot, je suis tout de même brûlé, mais certains effets ne trompent pas: lorsque mes paupières se font lourdes, des flashs inquiétant me foutent la trouille. C'était comme voir une centaines de trains vous foncer dessus à la vitesse de la lumière, pendant une fraction de seconde. Le moindre clignement d'oeil m'est fatal.
Il faut que je disparaisse de la circulation. Mais comment? Avec l'argent qui rentre, et tout, et tout... D'abord prendre l'air. Un tour à vélo me suffit pour relaxer et profiter des panoramas de maisons de friqués de Sainte-Rose. Avec leurs cabanes, on se croirait dans American Beauty. Avec un peu de musique latine, on dirait que l'image plate à mort passe mieux. Et le soleil beaucoup trop hollywoodien qui rend l'image encore plus difficile à avaler... Non, vraiment, c'est pas ici que j'vais trouver la vérité.
Des fois je prends la voiture du paternel, quand il a pas de cours. J'en profite pour aller à Montréal, les petites comme les grandes artères, et je regarde l'horizon. C'est comme les peintres impressionistes: des fois, c'est le soleil matinal parfait, d'autre fois, les nuages rendent la terre grise et morne. Mais je suis encore trop près de chez moi. À tout moment je pourrais décider de revenir comme un chien à sa tanière... Pour vraiment foutre le camp, il faut que je mette tout mon entourage contre moi, et fuir leur réaction avant qu'ils ne me tuent.
Primo, mes amis et mon ex. Puis, ce sera la famille. Étape par étape, je me détache des gens qui me sont proches. Du plus facile au plus difficile. Mes amis, de toute façon, je ne les vois jamais; ils ont tous des horaires de fous, ne viennent à l'école que quand ça leur tente, et aucun moyen de les rejoindre par internet ou téléphone... Pour mon ex, j'ai tout de même besoin de leur aide... C'est loin et j'veux pas me rendre là tout seul. C'est qu'elle est mignonne, la p'tite maudite, et j'veux des vrais chums pour me ramener à l'ordre si je tombe pour elle à nouveau.
Une chance, la vipère a commis l'infidélité et mon regard s'est changé face à elle. Je t'ai sur cassette, ma chère. Je vais me repasser en boucle cet affreux aveux, et je pourrai enfin partir loin en me disant que c'est mieux ainsi.
Et pour ce qui est de la famille... J'aurais voulu dire au revoir à mon père, mais il a été plus vite que moi. Étendu là, paisiblement, il ne bouge pas. Il ne bougera plus. Depuis son mariage et ses deux enfants, il ne bouge plus. Il est mort. Je dois faire mon deuil de ce père que je n'ai jamais vu en vie. Je prend le temps d'esquisser son visage dans mon esprit, et enfin, le cœur léger, je pars.
Dans l'autobus qui mène à Québec, je pense aux libellules. Peut-être est-ce encore l'insomnie qui me fait délirer, mais j'en vient à penser à une libellule dont les ailes en mouvement reproduiraient exactement le même son que les vibrations des cordes d'une guitare électrique soft. En bref, j'écoute "Voyager" et je pense aux libellules... et, oh, combien j'aimerais leur ressembler.
À Québec, l'hiver est arrivé. Mais j'ai des amis insomniaques comme moi, tous aussi frustrés. L'hôtel fourmille de personnes complètement cinglées. Je me sens un peu plus safe auprès de mes semblables. Enfin... moi, je les aime bien, mais eux ne semblent pas m'apprécier... Quand je les regarde et les écoute, ils figent, ou se cachent derrière la porte dans l'espoir que je les laisse seuls. C'est donc le temps pour moi de trouver ce qui cloche chez moi. Pourquoi je n'arrive pas à dormir, pourquoi je n'arrive pas à aimer les gens qui m'entourent, pourquoi je peux être aussi insensible et être un vrai monstre à tout bout de champ. Est-ce les nombreuses défaites qui me rendent si cynique? Ou le manque d'intérêt pour tout ce que j'entreprends? Je suis toujours décalé. Je ne sais pas vivre...
Et puis, fuck. J'ai pas envie de changer. Pas ici. Entouré de dingos, de psychopathes et de mélodramatiques, j'arriverai pas à penser clairement. Il me faudrait partir là où il fait beau et encore chaud. J'ai besoin d'une étendue d'eau pour me ressourcer.
De Québec, j'achète un ticket pour Ottawa. Parait que là-bas, c'est l'été à l'année longue. Le temps n'a définitivement plus aucun sens. Je suis parti en été, non en hiver, et à peine deux semaines plus tard c'est l'été. Définitivement, je ne sais plus si je suis dans le présent ou le passé. Je pars de Québec pour arriver à Montréal. Rendu là, c'est un vieux pote qui me lifte à la station, en direction d'Ottawa. Ou, est-ce pour rendre visite à mon ex et filmer sa déclaration? Tout est si confus, dans ma tête... Lorsque je me réveille, je suis dans un autobus écolier et je suis entouré de plusieurs jeunes de mon âge. J'ai quelques flashs de mon séjour, mais rien ne reste bien longtemps. Décidément, même si j'ai enfin réussi à prendre mon sommeil en patience, ça n'a rien réglé. Un instant il est midi trente, et la seconde d'après il est 11h et quart. Puis c'est le soir. Rien ne fonctionne.
Peut-être que si je côtoies des fourmis, je réussirai à m'imprégner de leur conformisme abrutissant. Avec leurs immenses buildings qui me fascinent toujours, je trouverai peut-être enfin la réponse à ma maladie. Je devrais revenir à Montréal.
Et si je rencontrais une fille, et que j'en tombe amoureux? Serait-elle une fourmi? Ou un bohème-bourgeoise? Lui faire l'amour me rendrait-il plus normal que la normale? Redeviendrai-je l'auteur que j'étais autrefois, ou perdrai-je encore le goût de la plume suite à nos débats amoureux les plus silencieux?
Peut-être finirai-je tout simplement seul, mais amoureux de cette ville qui m'intrigue tant. Je rirai des palmiers que j'enviais tant, et je pleurerai en pensant à mes amis cinglés de Québec qui me manqueront quand même...
Et à mon réveil, j'aurai plein de panoramiques et de souvenirs à montrer à mes proches, ceux que je me ferai en rentrant de voyage. Mes vieux amis m'auront oublié et renié. Et ce sera tant mieux pour eux. Mes sautes d'humeurs leur seront épargnées et ils pourront enfin reposer en paix avec leurs amours et leurs peines.
mercredi 10 février 2010
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Lecteur, j'ai oublié de te parler de la secte du silence. Il s'agit de gens qui se regroupe devant le temple, une maison champêtre, sans jamais se parler. Certes, ces gens sont étranges, mais il ne faut pas avoir peur. Il ne font que rester planter là, et parler tous seuls à voix basse. Je suis arrivé là par miracle, en me déplaçant dans la forêt. Quand je suis arrivé, il y avait à peine cinq personnes. Nous restions nuit et jour devant le temple. J'ai fini par comprendre le principe: il ne fallait pas parler. Ou du moins, si l'on parlait, il ne fallait pas obliger les autres à nous écouter. Le murmure était l'arme de la secte. Le murmure le plus bas et le plus subtile. Après deux semaines, je m'enfuis loin de ces gens complètement bornés, des néo-nazis cachés sous des airs de moines narcissiques zen. Tout ce que nous faisions, toute la journée, c'était raconter à quel point notre vie était merdique, mais il ne fallait emmerder personne avec nos problèmes, d'où le murmure.
RépondreSupprimerBref, j'ai fuit avant la semaine de jeûne précédant le suicide collectif. Je l'ai échappé belle!