Ceci n'est pas le meilleur texte que j'ai écrit, mais certaines raisons me poussent à le publier... et être un peu en paix avec moi-même. Le texte date du 14 février 2009
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Histoire d’enfance
Ce qui suit est un regroupement de lettres que j’ai écrites lorsque j’étais en camp scout. Les présentes datent déjà de plus de dix ans. Je les ai corrigées et clarifiées afin que la lecture soit plus cohérente.
« Auberge du Petit Bonheur, 10 janvier 1996,
Je sais qu’il est tard, et que je devrais être couché, mais je n’arrive pas à dormir. Le vent fait des rafales si fortes qu’il m’est impossible de rester calme… La tempête a d’ailleurs retardé notre arrivée pour midi, et on nous a tout jeté l’information par la tête. Malgré la température, on nous a fait sortir dehors pour aller à la cafétéria (je hais cette café, les couleurs, les gens qui sont là, les travaux forcés de vaisselles et c’est sans parler des ridicules pantoufles que je dois porter) et ensuite on a dû ressortir pour la messe à l’auberge. Les animateurs étaient épuisés, eux aussi, et ça n’a pas aidé pour garder le contrôle sur les autres gamins qui chialaient tout le temps. Il y a même eu Steven qui s’est mis à pleurer… J’ai essayé de le consoler, mais il voulait rester seul, alors je lui ai tout simplement dit que s’il avait besoin de parler j’étais là pour lui, pour l’écouter et parler avec lui. On dirait que tout le monde est déboussolé… J’essaie de me rassurer en me disant que Laurent aussi doit s’emmerder, mais aussitôt que je pense à lui, je me sens seul alors que lui doit être avec Étienne. Ils semblent bien s’entendre, comme moi et Patrick. Malheureusement Patrick n’est pas dans ma chambre, et quand on était à la cafétéria, Libellule nous a séparés parce qu’on parlait trop. Mais on essaie de rester ensemble le plus possible, pour l’instant. J’espère qu’on va se voir plus souvent, durant notre séjour ici. Oh oui j’allais oublier… Tantôt, on est sorti pour faire une partie de chasse aux trésors dans la neige! J’ai bien aimé ça, au moins. Même si je n’ai rien trouvé, je me suis bien amusé, surtout quand on a rassemblé les objets qu’on avait trouvés. Il y en avait quelques uns qui manquaient, mais avec cette neige, on est rentré plus tôt sans se soucier du reste. Ça devait être des pièces moins importantes.
Enfin, il doit être tard, environ huit heures, et je commence à avoir plus de difficulté à t’écrire, alors je vais aller me coucher… Dans la chambre, on est quatre et il y a Simon, le roux, qui n’arrête pas de parler de ses « fiouses ». Il me tombe vraiment sur les nerfs, mais je vais devoir l’endurer, j’imagine. Je t’aime, et papa aussi je t’aime!!! Si vous parlez à Laurent, dites-lui que je l’aime et qu’il me manque déjà!
Jean, xxxooo
Xxxoooxxxxxx »
« Auberge du Petit Bonheur, 11 janvier 1996,
Salut maman. J’vais pas super bien… Ces salauds! J’vais les tuer! On nous a réveillés à cinq heures du matin! Il y avait deux gars qui avaient mal agi pis ils se sont faire punir en faisant du piquetage, et on devait les aider, les maudits! C’est une des cuistots qui est rentré dans notre chambre avec un chaudron et une spatule, ou je sais pas quoi, qui a tapé dessus comme une folle. Heureusement, la tempête s’est arrêtée pendant la nuit, je crois. Il a fait très beau ce matin. Après notre marche dehors, on est rentré pour déjeuner, et assisté à une autre messe. Ça a duré à peine dix minutes parce qu’après, on devait faire de la raquette et du ski de fond. J’avais peur de me faire mal avec les grands skis, alors j’ai fait de la raquette. J’apprends à mieux connaître les copains dans ma chambre et dans mon groupe… Non en fait, ce sont les animateurs qui nous obligent à toujours rester dans notre même groupe, et moi j’ai pas envie de rester avec eux. Je me sens mal ici. Il n’y a personne comme Patrick avec qui je peux parler, comme je parle d’habitude. Ma chambre à la maison me manque… J’espère que tu n’as pas trop déplacé mon lit. J’aime bien quand je peux voir à travers ma fenêtre, quand les rideaux sont un peu ouverts et que la lumière de la nuit se répand sur mon mur. Ça crie toujours, ici… Le silence me manque, et quand on va dans le bois, le silence est différent, assez pour me faire plus peur qu’autre chose.
Ce midi, c’était moi qui devais rincer la vaisselle, et j’aime de moins en moins ça. On dirait que les autres font exprès pour mettre le plus de saletés possible. Si au moins j’avais eu des gants de caoutchouc… On est parti de la cafétéria avant même que mes doigts arrêtent d’être ratatinés. Et après avoir fait de la raquette, j’étais complètement gelé! Je suis rentré dans la chambre pour mettre une autre paire de chaussettes par-dessus les autres. Tes bas de laine piquent vraiment beaucoup, et ça me faisait un peu mal, mais c’est pas si grave. Quand je suis ressorti, les autres étaient en train de manger de la fondue au chocolat, comme on la fait chez nous! On m’a pas fait de place pour que je puisse en manger, alors je suis revenu dans ma chambre, en pleurant… C’est là que j’ai vraiment voulu revenir à la maison… Je suis tanné de supporter tout le monde qui semble s’amuser alors que moi, j’ai rien à faire d’autre qu’être triste de ne pas être au chaud, avec toi et papa. La folle avec sa guitare a encore joué Cum baya, ou je sais pas comment l’écrire. Quand les moniteurs voient que je chante pas, ils me poussent à le faire, et ça m’énerve. Personne ne s’est rendu compte que j’avais pleuré. Je pense que même si Pat avait été là, je lui aurais rien dit… Chez nous au moins, Mimine m’écoute, même si je sais qu’il ne me comprend pas. Il le sent, quand je me sens mal. Je m’ennuie terriblement de lui! Les filles ne veulent pas parler, les garçons me parlent de choses qui m’intéressent pas, et quand je trouve quelque chose à faire, seul dans mon coin, on m’empêche de rester seul et on m’intègre aussitôt. Les Scouts sont juste là pour me rendre triste… Je vais me coucher même si les autres sont encore en train de se changer avant de se brosser les dents. De ma fenêtre, je peux voir la Ceinture d’Orion. C’est la seule constellation que je remarque plus que les autres… Un jour, ça sera peut-être la Grande Ourse.
Jean, xxxoooooxxxxx »
« Auberge du Petit Bonheur, 12 janvier 1996,
Enfin, le dernier jour! J’ai tellement hâte de vous revoir! Ce matin, on a eu une messe qui était sans guitare, et ça m’a fait du bien. On devait lire, en cercle, chacun, un passage dans notre petit livret de messe. J’avais mal suivi, et quand c’était mon tour de lire, c’était si beau! Ça disait quelque chose comme Jésus qui ne se souciait pas qu’on croit ou non en lui et en Dieu, que lorsqu’on va mourir, ceux qui croient vont aller au paradis, et que ceux qui ne croient pas n’ont juste pas de vie après la mort. Pumba, le papa d’Amélie dans ma classe, m’a regardé bizarrement avant d’aller me voir et me montrer la bonne page à lire. Mais j’avais déjà lu mon passage, alors j’ai demandé qu’on passe à celui qui était à côté de moi. Après la cérémonie, il m’a pris à part des autres pour discuter avec moi, dans sa chambre. Au début, je croyais que c’était pour me punir ou me faire la morale, comme d’habitude. Il est bien, comme animateur… Mais comme personne, je crois que jamais je n’ai vu quelqu’un de si intelligent et sympathique. Il a commencé par me demander si j’avais compris ce que j’avais lu, plus tôt, ou disons plus si j’avais aimé ce passage. Au lieu de faire comme un autre adulte trop bête, et de me dire ce que j’aurais dû faire, ou ce que j’aurais dû dire à la place de tout ça… Non, lui voulait plus discuter sur la religion, ce que représentait ce texte, selon lui. Je lui ai dit que j’allais à l’église avec toi et papa et Laurent, dans mon quartier, mais que papa ne voulait plus aller là-bas parce que le prêtre raconte toutes sortes de choses qui ne sont pas pertinentes, et qui ne l’émouvaient pas, avec tous ces chants d’amour complètement vides de sens. Il m’a ensuite demandé qu’est-ce que j’en pensais, moi, de ce genre de messe. Alors, j’ai répondu que ça ne me faisait pas grand-chose, sinon de la tristesse pour mon père qui devient irrité devant ce prêtre. Moi, je trouve qu’il veut juste être gentil, et qu’il n’y a aucun mal à vouloir être ainsi. Alors, il s’est mis à me parler de sa fille, et de la petite sœur qu’elle venait d’avoir, le mois dernier. C’est sa plus grande fierté, je crois. Il avait les yeux tout pétillants! Si tu l’avais vu comme moi je l’ai vu… Son visage s’est baissé, et il a versé une larme. Il m’a avoué que cette histoire de mort, il la vivait dans sa tête tous les jours depuis que ses filles sont nées. C’est pour ça qu’il ne les a pas fait baptiser. Je ne savais pas qu’on pouvait rentrer dans les Scouts sans être baptisé, ou sans propager « la Bonne Nouvelle » à toute sa famille. Il a ri en silence, en me faisant part de sa vision de la chose : lorsque ses enfants seront plus grands, s’ils croient, ils décideront par eux-mêmes s’ils veulent se faire baptiser ou non. Et que de nos jours, les gens semblent mal comprendre le Catholicisme… Ce n’est pas que faire les saints sacrements, et aller à l’église tous les dimanches, ou ne faire l’amour que pour avoir le plus d’enfants possible. C’est d’abord le message d’amour de Jésus, l’acceptation et le respect des autres, toujours prêt à aider ceux qui se sentent plus démunis. Quand il m’a dit ça, je ne voulais même plus quitter la chambre et je voulais l’entendre parler pendant des heures et des heures. Il était rendu à peu près midi quand il m’a dit qu’on aurait dû être avec les autres depuis plusieurs minutes déjà. Alors je l’ai suivi jusqu’à la cafétéria où il m’a laissé pour s’asseoir à sa table avec les autres animateurs. Je me suis mis à penser à tout ce qu’on avait dit et j’avais très hâte de lui reparler. Je l’ai vu ensuite fumer dehors et j’ai eu envie de le suivre, mais comme il fait plutôt froid, ces jours-ci, j’ai laissé tomber. Il est revenu en soirée, juste à temps pour les chants, mais j’ai mal mangé, au souper, et mon ventre me faisait mal, alors j’avais moins envie de lui parler… Quand je suis arrivé à mon lit, j’ai vu un livre sur mon oreiller. « L’Attrape-Cœurs ». Ça a l’air long, mais bon! »
« 13 janvier 1996,
Je suis dans l’autobus en train d’écrire cette lettre. Les autres gars n’arrêtent pas de parler et ça devient de plus en plus difficile à me concentrer… Pour ce qui est du livre, j’ai commencé hier soir. La moitié des mots me semblait bizarre, mais je pense que je comprends ce que ça veut dire, en gros. J’ai lu quatre chapitres. J’ai bien aimé quand le gars parle de son frère qui est mort et qui avait un gant de baseball, avec des poèmes écrits dessus. Je sais que c’est Pumba qui m’a laissé ce livre, hier. Pourquoi, je sais pas, mais c’est pas grave. Je sais qu’il n’a pas fait ça pour rien.
J’espère juste le revoir bientôt, pour lui dire merci, au moins.
Je sais même pas à qui j’écrit la lettre… Ça pourrait être pour n’importe qui. Et si c’était Dieu qui allait me répondre?
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La belle Libelule... ahh... ///////Moi et mon frère...
vendredi 29 janvier 2010
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Wow.
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