mercredi 16 février 2011

16 fév - Les Jack-Strap de St-Isidore-de-la-Méridienne

Écoutez ça en boucle et imaginez la voix de Jean-René Dufort, dans le rôle du narrateur. Je l'ai essayé, ça marche.

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Dimanche dernier se disputait le match décisif déterminant les grands finalistes de la ligue officielle de ballon balais de la charmante région de Saint-Isidore. L'équipe locale, les Snaps de St-Isidore-Est-de-la-Chapelle, devait affronter les redoutables sexagénaires de St-Isidore-Ouest-de-la-Méridienne, reconnus pour la solidité de leur bassin, qui ont mené une saison tout à fait remarquable au foyer Tristan LeFlaquet. Comptant 70 points au total, de suture il va sans dire, les Jack-Strap se devaient de remporter la coupe Roger Brûlote contre une équipe aussi molle que les Snaps qui n'ont atteint les demies-finales que par forfait des autres équipes (tous les matchs avaient lieu le soir de La Poule). Nul besoin de dire qu'il aurait mieux valu pour les Snaps d'avoir le câble ces soirs-là.

Le match a commencé dans un tollé amèrement refroidi: les Paparman était passées de 50 cennes le bol à 1,75$ le petit sachet pour le soir de la grande finale, et Tristan LeFlaquet a calmé les hurlements édentés en gardant tout le stock pour lui dans les loges. Ça s'annonçait dur en ti-peché comme soirée décisive.

Le match a enfin repris sous le fleuve d'insulte de Mme Boisjoli, à sa place habituelle, entre son fils Raymond et sa nièce Trudi Gariépy, épouse de Raymond Boisjoli. Bref, une belle famille qui a le sport, et davantage, dans le sang.

Une fois le ballon posé sur la glace, les Jack-Strap, craintifs de manquer de peu leur épisode préféré des Belles Histoires à la radio, se sont rués sur leurs adversaires tels de sauvages belettes lustrées. Même du banc des journalistes, on voyait reluire le cuir rendu brun foncé de leurs gencives séchées. C'en était fini des Snaps.

...Si ce n'eût été du numéro 38...

Réjean Unot, en redressant sa gaine pour la scoliose, a échappé belle à l'attaque furibonde de la recrue des Strap, Ouslev Kruczinsky. Ce dernier, trop sûr de son coup, avait prévu se relever de son impact qui n'arriva jamais, et son relèvement s'est transformé en pirouette arrière, lui brisant la clavicule cervicale. On le sait tous: les Strap ne sont pas qu'une équipe forte au backgammon, ils sont aussi solidaires. Ils ont donc entonné pendant un quart d'heure le chant rustique "Nous aut' on est pepés", ma foi fort émouvant, malgré la situation plus qu'enrageante. Les Snaps, à moitié sourds et aveugles, ou l'inverse, ont profité en bandits de la chance incroyable qui leur était donnée et ont compté presque deux buts en tout.

Le match s'est terminé sur une note plutôt amusante lorsque la foule, la demi-douzaine qui restait du foyer LeFlaquet, a été invitée à jouer de la batterie sur les casques des deux équipes avec les côtes flottantes qui sont tombées durant la partie, telles les pommes qui tombent en octobre. Le compte final: deux points pour les Snaps, et un seul pour les Jack-Strap.

Le maire de St-Isidore, Tristan LeFlaquet, le seul et l'unique, a remis la coupe aux vainqueurs ainsi que la réserve de Paparman aux Snaps, en mémoire du défunt. On se souviendra longtemps de son discours encourageant qui remettait les Jack-Strap à leur place: "Ça va sur la clavicule cervicale, bâtard! Ya pu rien en bas, de toute façon".

"Plus jamais on ne nous la volera, cette coupe" a-t-il clos en pataugeant dans les sphincters vidés des deux équipes.

Je dédie donc cet article à notre ami Uslev, dans la section des avis de décès.

N'envoyez pas de fleurs à la famille (elle de l'autre bord de la Cage à Monique, ne vous y risquez pas inutilement). Mais envoyez plutôt des dons au centre sportif de la communauté qui se fend littéralement en quatre pour essuyer le parquet après chaque usage des Incontinents Anonymes. Merci.

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