samedi 12 février 2011

12 fév - Blue / Le Naufragé brûle tout

I hate what you made of me.

La luminosité est réduite, sur l'écran. On met la musique du mood. Bullet Boy et Danny, ça fitte. J'ai l'estomac noué, la bouffe n'a pas passé. Ya des trucs qui virent au beurre depuis quelques jours, si c'est pas des mois. Des trucs qui ne sont plus trop clair. C'est probablement ma peur d'avancer. Toujours étendu de tout mon long sur le sofa, l'énergie diminue de jour en jour. Je ne sors plus que pour déneiger. C'est le premier hiver où c'est la seule activité qui semble me faire du bien.
Des cicatrices envahissent lentement mon corps. Elles ne grattent pas, ne dérangent pas. Elles sont juste de plus en plus présentes. Quand ce n'est pas pour fumer, mes doigts arrachent un à un les poils à portée de main. N'importe où. De toute façon, il n'y aura personne d'autre pour voir ce corps se détériorer. Who gives a godamn shit anyway. C'est peut-être juste parce que j'ai peur de socialiser.

C'est peut-être aussi parce que tout le monde travaille toute la semaine, tout le monde a des cours tout le temps, où c'est peut-être juste une hospitalisation. T'as raison. Les seules personnes que je ne veux pas voir sont celles qui sont là pour moi, en tout temps. Et celles que je voudrais voir... c'est juste moi qui n'a pas les couilles de le dire.

Sur le ventre, des petits points rouges. Rien de grave. Juste une infection mineure, peut-être. Je gratte juste pour savoir s'il y aura des réactions. Mais non. Rien. J'ai beau gratter, gratter, Gratter, GRATTER l'esti de bobo! ... rien ne se passe. Les muscles aux deux extrémités de ma bouche pendent. À force de manger ma colère, ça va creuser des babines de saint-Bernard.

Et je ne suis pas assez laid pour être pris en pitié, pas assez avantagé cependant par les conditions de la vie sociale pour être pris en compte, sérieusement. Et quand j'entends les histoires sordides de motel, j'ai envie de m'enfermer dans le placard et fermer la lumière. "Il ne manquerait plus qu'il la paie pour ses services", je me mets à penser, imaginer la scène. Il suffit d'un souffle mal placé et les larmes se transforment en toux, proche de l'étouffement complet. Mais non, la job n'est jamais finie...

La roue continue à tourner. Toute la journée à penser. Penser au lieu d'agir, parce que la force n'y est plus. À travers la fenêtre, le soleil réfléchit sur la neige fraîche, puis disparait tout aussi rapidement qu'il est arrivé. Le temps de sortir le kodak, la luminosité est déjà diminuée sur le screen.

Collectionner des kilobytes de données revient à conserver 20 ans de timbres; personne n'a envie de telles personnes, et ça nous garde dans un cercle vicieux. Plus l'envie de sortir est réprimée, plus on collectionne, et plus on collectionne sans trop se faire rejeter, moins on a besoin ou envie de sortir. Alors on finit sa vie à ne plus vouloir du monde extérieur qui ne fait que réprimer, ou pire, ignorer nos besoins.

Le Naufragé tombe d'île en île, cherchant une compagne pour lui montrer sa plage paradisiaque qu'il a construite pendant des années. Mais tout ce que ses compagnons de voyages ont retenu de lui, ce ne sont que ses colères. Ses carnets de récits ont été refusés par mille lecteurs avant d'accepter son sort: "très bien... qu'il en soit ainsi... je resterai sur mon île, seul........... Et que personne n'en profite. Je brûlerai le quai, les structures de la villa et tous les meubles, photos et récits. On ne se souci que de mes pètages de plomb, eh ben voici la totale. Sans laisser aucune trace, aucune raison. Tout ce qui semblait alors gravé dans le béton et libre à tous, tout cela ne sera désormais plus disponible. Je ne laisserai pas à ces vautours opportunistes le bonheur de dire "Après avoir lu tel texte, j'ai compris pourquoi". Basta. Vous n'aviez qu'à vous réveiller avant."
Il sort le violon de son étui, commence deux trois gammes, puis le repose. Le bidon d'essence coule lentement dans les entrailles de l'instrument qui servira de torche incendiaire. Étape par étape, les flammes prendront l'avantage. Le livre d'or. Les portefolios. Les disques.
Lentement, la torche s'avance vers la radio. Il l'allume une dernière fois avant d'y vider le reste du bidon.

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