jeudi 5 janvier 2012

2 janv - Les enfants gourmands

«There’s nothing to do, But I don’t mind when I’m with you.»

Je sais. Je devrais dormir, j’ai travail demain. Mais tu sais ce qu’une sieste fait. J’ai besoin de sortir un paquet de trucs qui me trottent en tête. Comme la phrase Les enfants sont gourmands. Ils passent la main dans un sac de chips, se coupent l’appétit avant le souper. Je le sais, c’est encore ce que je fais. Je me gâche le souper, celui que tu as préparé, en me gavant de petites chips, pensant rigoler un peu avant les trucs sérieux. Mais voilà, j’ai l’estomac noué, maintenant. Et je risque de manquer le souper. Et je réalise que ça crée un malaise dans la famille. Ouais je sais, je fais le pitre et ça ne fait plus rire les enfants. Peut-être que je deviens papa. Oui, je sais, les paroles, les paroles. C’est bien beau. Mais ce sont les actions qui comptent. La prochaine fois, je préparerai le souper. Et quand bien même qu’un enfant gourmand plongerait la main dans les chips avant le repas, je sais que je l’aurai cherché.

La première chose que j’ai faite, dans la maison vide, était de regarder ce vidéo de cet enfant, carotte entre les dents toutes neuves, repousser les avances d’une fille. «Fais pas ton gêné, Jean, pis donne un beau câlin à Amélie.» Noël 1991. En vingt ans, l’histoire fait un tour d’horloge, les deux aiguilles reviennent enlignées. Un autre vidéo, dans la cour de ma grand-mère Auger, sur les genoux de mon père à envoyer un poing dans sa main. «Tu veux dire au revoir à grand-maman? …Tu veux partir tout de suite? Tu dis pas au revoir?…» Fuck. L’histoire ne change pas. En écoutant en boucle Suburban War, avec ce passage en boucle, ma petite main dans sa paume, la maison de grand-maman à Laval-des-Rapides, c’était les rapides sous mes yeux fatigués. Pendant cinq bonnes minutes, dans la maison vide, la tête de Bruce sur mon torse, j’ai pleuré en silence, de peur de déranger. Parce que j’ai toujours l’impression de déranger. D’être de trop, de créer des malaises, de tout faire croche, alors je préfère me tirer avant de trop en faire, ou pas assez. But I don’t mind when I’m alone with you. Seul avec toi, parce qu’à trois, la magie ne passe pas, on dirait, comme une tension invisible dans ma tête. Peut-être qu’elle n’existe pas, j’ai peur de tout, je ne sais pas. J’imagine des engueulades si je fais un move de trop devant d’autres personnes. La vérité c’est que je suis une personne pas forcément solitaire, mais profondément triste. Pendant un moment. Puis c’est l’euphorie totale. Pendant un moment. Mais sans masque aucun, je crois être une personne viscéralement plongé dans le chagrin, constamment tourmenté par des moments ou des gestes du passé qui ne devraient plus avoir d’importance. …Je repense à mon enfance. J’ai tout eu, la santé, les études, les amis. Mais je n’arrive pas à essuyer les blessures, que j’ai subies, mais surtout celles que j’ai fait subir, mon caractère impossible à tolérer, les amours, les trahisons.

Je sais que l’amas de peinture dans le visage m’empêche de vous apparaître comme une personne réelle. Mais sans les masques, tout revient en mémoire. Personne ne veut d’un type constamment visité par ses fantômes, qui déprime l’audience à coup de «J’avoue, j’en ai bavé, pas vous, mon amour». Sans les masques, je n’arrive pas à oublier, à vouloir te faire rire, voire même moins ambitieux, te faire sou-rire. Et ne pas voir ton sourire, ça me fuck l’estomac, plus que de manquer le repas. Laisse-moi un seul masque, celui avec le smile, juste pour passer la soirée. Je fondrai plus tard, dans la voiture, dans l’autobus, peu importe. non, je ne suis pas heureux. Mais laisse-moi te faire croire que tout va bien. Par amitié, ne perds pas ton sourire, pas pour moi.

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