samedi 24 avril 2010

Une clope (sam 24 avr 2010)

L'important c'est de se dire que tout ça n'est que du passé. Ne pas s'enfler la tête avec tout ça et penser à autre chose. Prendre les choses comme elles arrivent et les laisser au passage. Et surtout se dire: "Tout ça, c'est que du passé."

Le nez cassé, un sac de glace sur la tête, le corps bourré de tylenol et autres comprimés pour faire passer le calvaire, je regarde ma bouteille d'eau, la tête basse. J'ai pris le taxi, parce que, contrairement à tous mes autres potes, j'ai pensé que c'était une mauvaise idée de rester dans ce bar maudit. Le sang coule moins, mais le chauffeur s'inquiète (il a peut-être peur que je souille sa moquette).
- Tu devrais aller à l'hôpital, ça semble sérieux...
- Nanon, ya pas d'problème, jm'en occupe. Le mieux c'est d'arriver en vie chez moi.

Après un court silence, il me dit qu'une voiture le suit depuis bientôt quinze minutes. Je commence à avoir encore plus la chienne. J'ai le malheur de regarder en arrière... Le skin croise mon regard. Il fonce et percute le taxi qui dérape aussitôt. Il est trop tard pour faire ma prière, le Bon Dieu est de son bord. C'est lui qui a la crowbar. Allez, on va danser le Nazi Rock Nazi... Un beau grand slow collé, comme je faisais là-bas, une heure plus tôt, avec cette belle blonde. Sauf que lui a tout l'attirail pour me faire valser jusque dans les prés, jusqu'aux simagrées les plus ridicules. Pour vrai, vous n'aurez jamais vu quelqu'un autant chialer comme un bébé que moi. Les flots, je vous dis. Il m'a fait regretter mon avortement qui n'a malheureusement jamais eu lieu. Le chauffeur, un 'nègre', il a eu droit au coup du classique du cinéma: la tête sur le trottoir, plus balles dans la tête. De toute beauté, je vous dis, je vous jure.

Au réveil, tout est flou, tout est blanc. Pendant un court instant, j'espère que c'est la lumière du grand Salut, et puis je me ressaisi et réalise que je suis avec d'autres patients, sur un lit. Cette fois, j'étais bon pour l'hosto. Les dents cassées, le visage cabossé, tous les muscles de mon corps sont recourbés vers l'intérieur... Avec un brin d'humour, je me dis que ça pourrait être pire: on aurait pu me couper les cheveux... Qu'importe si je suis démoli; l'important est d'apprécier le fait que, ben maintenant, j'ai toute une histoire à raconter! La fille à côté de moi, elle s'est fait renversée par une voiture. Séquelles? Aucune. Un vrai petit miracle sur deux mognons! Non, c'est une farce; aucune séquelle, pour vrai. Elle se fait chier rare et pour passer le temps, elle zappe sans arrêt les postes de télévision. Enfin, son regard se tourne vers moi, fait une mine du genre : "ishh... ouin, tu l'as pas eu ruff, ta soirée". Elle finit par me dire: "T'as essayé de t'battre avec une marmotte pis a l'a gagné?"
- Haha, très très très très drôle...
- En tout cas, tu serais mieux de lâcher la bière, c'est pas bon pour toi.
- Tsé, ya encore tous les postes spécialisés que t'as oublié de zapper...
-... t'as tu une clope?

Après tout ce temps, c'est là que je réalise que je suis en chemise d'hôpital. Mon linge est plié à côté de moi, sur une chaise. Vous vous en doutez, je n'arrive même pas à bouger un doigt. Pas seulement à cause de mon squelette fracassé, mais aussi parce que la frousse m'habite encore. Elle voit mon jeans, le prend, en sort le paquet et le briquet. Deux cigarettes... pas une mais deux... Elle exag... Oh... Elle me fout une des deux clopes au bec et me l'allume. Je puff, à petites doses.

- Merci...
- Crisse, fait cinq heures j'ai rien fumé. J'commence à pogner les nerfs, solide. ...Pis en plus, tu fais pitié en tabarnak.
- Faut tu j'dise merci à ça aussi, coudon' ?

Elle sourit. Me dit qu'elle s'appelle Valérie. Jean. 'Plaisir. Au fur et à mesure, les douleurs s'estompent, je réussi à bouger suffisamment pour toper ailleurs que dans mon cou, ce qui la fait rire. Je lui dis qu'elle a vachement de la chance d'être intacte après son choc, mais elle s'en fout, elle était sur autre chose (elle a pas voulu dire quoi). Et là, au loin, mes amis sont tranquilles, au bord de la marina, une bière à la main, et ne se doute de rien. Et encore plus loin, cette fille aux cheveux d'or, elle s'ennuie à mort, et je me dis: "bah merde, pourquoi je les ai suivis eux, et pas elle..." Et pendant que je jase avec Valérie la junkie, je pense: "Tout ça, c'est que du passé."

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LGND
samedi 25 avril 2010, 3h05 du matin.
Après la Marina Commodore.

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