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Elle
s’est assise sur le divan, et aussitôt le chat s’est blotti contre elle, tandis
qu’il buvait son café devant les annonces du journal. Cherche mécanicien, min
1an exp; Cherche secrétaire, avec clientèle établie; Cherche homme bon à marier…
Quelques gouttes font encore leur chemin sur la porte coulissante, se faire
entendre au travers du silence perdu de l’appartement de Claude et Isobel. Que
le soleil se soit couvert d’une nappe de nuages ne les dérange pas, ni la
grisaille, ni les pas qui passent et qui reviennent du locataire d’en haut.
Elle s’est fait une tasse de thé qu’elle sirote parcimonieusement, accompagnée
d’un livre longtemps oublié dont elle avait décidé de reprendre la lecture
dernièrement. Lorsque sa main ne cherche pas aveuglement sa tasse, elle passe
et repasse sur le ventre du félin bientôt endormi. Mais Claude ne voit pas le
temps passer, et oublie de partir pour le travail. De son côté de la table à
manger, face à Isobel, il relève la tête, les doigts sur l’anse, absent. Après
deux ans de vie commune, le regard partagé se fait de plus en plus rarement,
comme des gouttes de pluie qui ne tombent jamais très loin l’une de l’autre,
mais qui n’atterrissent jamais exactement au même endroit.
Il
fronce les sourcils, plus pensif que contrarié.
-Would
you marry me?
Isobel
sort progressivement de sa lecture. Son regard passe des lignes de texte au
rebord supérieur du livre. Elle ne s’attendait pas à telle question, mais se
dit qu’après tout, a-t-elle déjà donné l’impression qu’on devrait lui demander
autrement que de manière simple, posée, lors d’une journée où le silence fait
oublier d’aller au travail? Puis elle se renfrogne : aurait-elle dû être
plus explicite et demander clairement une demande de fiançailles dans les
règles de l’art, dans un restaurant chic, avec l’agenouillement classique?
Mais, non. Elle sait qu’au fond, un tel geste ne démontrerait pas plus qu’un
cliché mort et désuet, et qu’en réalité ce que Claude lui propose, ce n’est pas
un spectacle de fumée, mais bien un acte réfléchi, sincère, avec autant de
classe.
-I think I would, yes.
Elle
tourne la tête vers lui. Ils échangent un bref moment, un sourire subtil.
Peut-être ne s’agit-il qu’une simple question, une éventualité à préparer. Cela
leur importe peu. Les deux retrouvent leur lecture, leur tasse. Claude ferme
les yeux, la bouche semi ouverte. Il éternue. « Bless you »,
camouflée derrière son bouquin, moquant de ne pas vouloir être contaminée.
Un
voisin de pallier claque la porte. Claude sort de sa rêverie, constate l’heure
tardive, se lève pour embrasser Isobel, puis quitte.
--LGND
13 mars 2013
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