samedi 10 octobre 2009

Appartement A-22

Scène 1, int. soir, étage 1
Raymond (X), cheveux longs frisés, barbu, arrive devant sa porte, avec plein de sacs de plastiques derrière lui pendant qu'il ouvre la porte. Il prend tous ses sacs et les traîne à l'intérieur de l'appartement. Celui-ci est presque vide de meubles et de décorations: il n'y a que des trucs ramenés des vidanges laissées, comme des appareils électroménagers (grille-pains, cafetières en métal, répondeurs, radios, etc). Dans le bruit métalique des objets qu'il a ramené, X ouvre la portière d'une armoire d'où il sort une tasse et se sert un café. Close up sur son visage troublé. Il s'assoit à sa table, prend le téléphone, et compose le numéro d'un cinéma à 2$ pour savoir le programme de la semaine (donné par une voix féminine électronique). Il enregistre le son de la voix avec une petite enregistreuse à cassette, réécoute la bande... La voix est complètement distortionnée. Il apprend le programme par coeur, puis fait rejouer la cassette.
-Bienvenue au programme du Cinéma Éclair Mile-End. *X arrête la cassette*
-Bonjour madmoiselle! Zavez don' une belle voix! héhé.. Heum, oui donc jvoula' savoir c'ta quoi, vos vues d'la s'maine... *X repart la cassette*(et ainsi de suite)
-12 films à l'affiche cette semaine..
-Ah ben c'est bon ça! J'aime ça quand ya du choix! C'est quoi l'premier?
-...quante premiers rendez-vous, une comédie romantique avec Adam Sandler..
-Ah c'est bon ça, hein! ......... cut to...

Scène 2, int. jour, appartement de X
Au loin, une porte s'ouvre à la volée et se ferme brusquement. On entend depuis le hall d'entrée une dame dans la cinquantaine qui gueule et qui sacre à tord et à travers. X ressent les vibrations de son poids énorme qui résonne dans tout l'appartement et qui l'empêche de parler avec l'opératrice à qui il donne de faux numéros depuis 10 minutes juste pour parler davantage avec elle. Il finit par raccroché, trop déconcentré, se dirige vers la porte, l'ouvre et regarde à travers l'embrasure: une grosse madame, petite, carrée, avec de gros seins pendant, et son mari à peine plus grand, mince et très discret, la tête ailleurs. Ils passent juste devant sa porte puis continuent vers l'escalier. X les suit des yeux et attend qu'ils soient à l'étage supérieur avant de laisser échapper un "farmez don' vot' yeule, deux secondes, on peut pu s'entend' penser, icit'dans" chétif et pleignard.
-Quossé t'as dit, mon p'tit tabarnak?!! Attend que j'te pogne mon osti d'robineux d'calisse!!! Eille, toé crisse, quess t'attend pour rentrer, saint-ciboére de calisse!?! J't'assez 'coeuré de c't'osti d'log...*elle claque la porte et ses hurlements sont enfin étouffés*
X referme sa porte au moment où elle s'adresse à lui, puis marmone des insultes à son égard en retournant à sa table où il finit son plat de kraft dinner. La grosse crie de plus belle et son écho empli l'appartement de X qui se tient la tête entre les deux mains... Fade au noir

Scène 3, int. soir, chambre de X
Toujours dans le noir, on entend une porte s'ouvrir et se fermer sans bruit, puis on entend un jeune homme et une jeune fille ricanner en silence qui monte vers le 2e étage.
-Eille lui yé spécial, j'te dis, un vrai fucké... Sa femme lui tappe la tête contre le murs, c't'une esti d'folle...
-Haha! On aurait dit Kermit! Chu sure qu'ya une ptite voix fluette!
-Chuuchht... haha, ya l'aut' qui doit dormir ak son toaster...
X regarde son cadran: 4h du matin. Dans l'appartement juste au dessus de celui de X, on entend une guitare jouer subtilement et le jeune homme chanter, puis tout s'arrête brusquement. Puis, on entend un meuble se déplacer, s'arrêter... et couiner...

Scène 4, ext./int. jour, devant l'immeuble/appartement du général
Un homme à moustache, le visage creux et le regard sévère, assis sur une chaise devant l'immeuble boit sa canette de bière. Il regarde chaque passant dans les yeux et les fusille du regard. En fait, il surveille surtout l'immeuble d'en face. Il marmonne à lui-même:
-Gang de tapettes de crisse... Esti d'fifs de marde, j'vous ai pognés les culottes baissées, hein, mes ptits calisses? Ben comptez pas en ram'ner d'aut' dans vot' genre icite. C't'un quartier respectacle, gang de pédés à ptites graines... Ouain, c'est ça, sort pas juste de ton appart, décrisse... J'ai encore ton sang su' mes poings, yen veulent encore, faque amène toé pas icitte ou bedon tu vas l'regretter solide.
Intérieur de son appartement. Il rentre sa chaise et dépose son coupe-vent dans son hall. Travelling derrière lui alors qu'il pénètre dans son appart décoré de toutes sortes de "trophés" de chasse, et de guerre. Il s'installe dans son fauteuil devant la télé (à côté de la fenêtre d'où on voit la rue qu'il vient de quitter) et écoute les sports sur sa télé à oreilles de lapin en ouvrant une autre canette de bière. On voit passer le messieur Kermit devant la fenêtre, l'air absent comme toujours, se dirigeant vers la rue principale. Juste au dessus, on entend la grosse passer un coup de téléphone et gueuler à propos de son attardé de mari qui va encore faire de l'oeil à la boulangère. Le général, visiblement irrité, se lève en trombe de son fauteuil, passe un cadre de porte, en ressort avec un calibre 12. Il dirige la crosse vers le plafond et commence à donner des coups violents.
-Ça va faire, ton esti d'parlage! J'entend pu la game, tabarnak! La prochaine fois, c'pas la crosse que tu va avoir dans face, c'est les balles!
On entend les insultes étouffées de la grosse à travers le plafond, puis, elle claque le téléphone. Silence parcouru de murmures. Puis, X sort de son appartement, avec ses sacs d'électroménagers qui font un boucan métalique.

Scène 5, int. soir, corridor du 2e étage
X monte au 2e et cogne à la porte de son voisin d'en haut, à l'appartement du jeune homme. X est visiblement plus troublé que jamais, les larmes aux yeux. Le jeune homme prend du temps à répondre et quand il ouvre la porte, X demande à rentrer pour parler. Cut to..
À la table de cuisine, la tête entre les deux mains et un mouchoir sur le visage, X pleure devant le jeune qui semble presque amusé par la chose.
-C'est la troisième fois qu'a m'fait ça, la bitch... snif... A m'appelle au téléphone pendant qu'a baise avec son nouveau chum! Pis a m'fait entendre ça! J'sais pu quoi faire, mon gars! ...
-Bah, c'est simple: répond pu.. Entk..
-A m'dit tout! "Là j'ten train dlui sucer la queue, c'que jtai jamais fait à toi pass té rien qu'un loser, pis la y m'bouffe la chatte, pis criss que c'est booon!" Quessé tu veux jfasse?? ...t'es sûr que tu veux pas m'acheter une radio? ...est super bonne...
-Rentre chez toi, achète toi un téléphone à afficheur, pis quand tu vois son numéro, décroche pas... Bon, tu m'excuseras, faut que j'packte mon stock, jpars en tournée à soir... Fait attention à toi, là. On se r'voit dans 3 semaines...
Pendant qu'il dit ses lignes, le jeune homme racompagne X à la porte qu'il ferme dans son dos.

Scène 6, int. après-midi, chambre de X
X vient de rentrer avec, au fond de son sac de traîneries, des cassettes vhs de films porno. Dans sa chambre, les stores fermés, il s'installe devant sa télé, sur son lit, et met une des cassettes dans le magnétoscope tout rafistolé de ruban adhésif. Aussitôt il l'arrête. Il repense au vieux Kermit qu'il a croisé à l'arrêt d'autobus, juste avant d'arriver à l'immeuble. Sa pensée est interompu par le bruit que fait le jeune homme en passant la porte d'entrée. Il l'entend trainer une lourde valise. On le voit monter les marches avec son étui à guitare. X écoute plus attentivement: lorsqu'il entre, il parle avec sa copine qui était restée pendant sa longue absence. Puis, le meuble se remet à couiner... et s'arrête. Pendant, quelques secondes, on ne voit que X qui n'entend rien, ou pas grand chose... Et puis, dans tout le bloc, on entend le jeune crier:
"C'EST ÇA, VIEILLE CRISSE! ÉTOUFFE TOI PIS MEURS!" ... Et le meuble se remet à couiner. X repart sa cassette, mais ne regarde même pas, troublé par tout ce qui vient de se passer. Ellipses pendant lesquelles on voit la lumière à travers les stores de la chambre diminuer de plus en plus, la lampe qui est maintenant allumée. X est dérangé par le bruit d'une ambulance. Il ouvre à moitié la porte d'entrée et regarde des ambulanciers passer devant lui avec une civière sur lequel est la grosse. Il ouvre complètement la porte et monte au deuxième étage où il cogne à la porte du jeune homme.
-Eille, tu sais pas c'qui vient d'arriver? La voisine... la grosse. Est morte d'une crise de coeur.
-Pis l'vieux yé où?
-Yé pas là! ...
Cut to...
L'ambulance qui part, les voisins qui la regarde partir. X est abasourdi, et regarde le jeune homme décontenacé... mais qui affiche quand même un sourire, en répetant: "mais pourquoi, j'ai fais ça..."

Fin. Send.
Désolé d'la longueur, ça m'a juste pogné d'un coup.
-DM- samedi 10 oct. 2009, 20h25

4 commentaires:

  1. Hey j'ai dja entendu Jean Leloup raconter cet histoire là dans un show radiophonique... en tk belle adaptation scénaristique ;) tu devrais en faire un court-métrage... en tk moi jai une cam pis j'habites québec si ça t'intéresses on fait ça chu partant (mais jte préviens chu débutant)

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  2. Salut à toi, anonyme! ...sans email, sans rien pour que jpuisse te contacter.... C'est cool que tu connaisse Mauvais Karma! Pour le tournage, sache que mes potes et moi, tous détenteurs de DEC en cinéma à montmorency (et pas que mes amis, c'est la crème de notre batch!), on va commencer le tournage dès cet hiver, ou peut-être au début du printemps.
    On tourne ça dans notre belle ptite ville de Laval.
    Pour le résultat final, tu devrais en voir AU MOINS un apercu au printemps ou à l'été.

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  3. Salut! En fait je voulais voir si tu allais répondre pour ce faire... voici donc: rastazab@hotmail.com au cas où tu voudrais partager certaines expériences ou me parrainer en tant que vidéaste amateur ^^
    Alors je vois que tu avais déjà l'idée de faire un film là-dessus! Justement quand j'ai entendu cette histoire je me suis dit "mais merde il faudrait en faire un film", et voilà.. j'ai bien hâte de voir le résultat! Moi je ne suis qu'un néophyte qui s'est fait offrir une belle camera HD et qui filme tout ce qui bouge, ou pas ^^
    Je me souviens tellement bien de quand j'ai entendu mauvais karma à la radio (j'étais à Montréal vers 2001..) je trouvais ça tellement bien dit, un vrai scénar de film... Bonne chance!
    Pascal

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